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Pour qu'il y ait un début à votre langue
Du 3 au 20 avril 2019

2008, banlieue québécoise

Frédéric et Odile, 16 ans, rencontrent Wilson Lialo, un jeune garçon d’origine Maasaï adopté par des parents québécois. Ils se lient immédiatement d’amitié puisqu’ils portent le même inconfort, le même désir: la vie autour d’eux est trop banale, triste et décevante, rien ne répond à leur besoin de sens, de grandeur. Ils rêvent d’un ailleurs grandiose, d’une terre d’exil pour les accueillir. Lors d'une cérémonie pour fêter les 18 ans de Wilson, la grange brûle, Wilson meurt, Frédéric et Odile se perdent de vue.

2018, chambre d'hôpital en soins palliatifs

Frédéric a maintenant 26 ans. Et pourtant, il attend la mort dans sa chambre. Parce qu'il refuse de mourir dans la langue inutile de ses parents, il ne parle plus à personne. À cette époque surchargée de bruits insignifiants, se taire devient acte de résistance. Dans la fièvre qui le conduit lentement vers la mort, le temps et l'espace s'embrouillent. Défilent à son chevet une succession de morts et de vivants: une mère humiliée, un père silencieux, un amour disparu, un frère d'âme couvert de flammes. Alors que le sable envahit de plus en plus sa chambre d'hôpital, c'est finalement une procession singulière qui mènera Frédéric bien loin de sa banlieue natale.

De Steve Gagnon
Inspiré par l'oeuvre de Sylvain Trudel
Avec Linda Laplante, Frédéric Lemay, Nathalie Mallette, Daniel Parent, Pascale Renaud-Hébert, Claudiane Ruelland, Jonathan St-Armand et Richard Thériault


Crédits supplémentaires et autres informations

Assistance et régie Adèle Saint-Amand
Conseil dramaturgique Chantal Poirier
Conception Julie Basse, Marie-Renée Bourget-Harvey, Estelle Charron, Émile Lafortune, Liam Lett, Chantal Poirier, Adèle Saint-Amand, Maude St-Pierre, Uberko
Image Stéphane Bourgeois

Durée 1h30

mardi au jeudi 19h30, vendredi 20h30 , samedi 16h30

Mercredi causerie après la représentation 10 avril

 

Régulier

*60 ans et +

*30 ans et -

**MHM

44,00 $

32,00 $

​30,00 $

29,00 $

​36,00 $

32,00 $

30,00 $

26,00 $

* Pièce d'identité requise
** Pour les résidents de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Preuve de résidence requise.

Forfait Premier Regard

2 billets pour 1 même spectacle 36,00$
Disponible du mercredi au samedi de la première semaine de représentations.

Billets ni transférables ni remboursables. Le Scriptarium 2019 exclu.

Une production Théâtre Shakespeare, Jésus et Caroline


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Critique disponible
            
Critique

Dans les entrevues accordées sur la nouvelle création qu’il a écrite et dirigée, Pour qu’il y ait un début à votre langue, Steve Gagnon expose son désir de désacraliser l’aura autour du concept de la représentation et de plonger au plus près du cœur de l’esprit de la performance. Avec huit interprètes doués et une salle Fred-Barry légèrement transformée, les astres semblaient parfaitement alignés pour l’atteinte de ses ambitions. Pourtant, son exécution scénique, aussi prometteuse semblait-elle, laisse une impression d’inachèvement.


Crédit photo : Dylan Sheper

La production s’inspire de l’œuvre de Sylvain Trudel (dont les romans Le Souffle de l’Harmattan et Du mercure sous la langue) habitent depuis longtemps l’imaginaire de Gagnon. Même si elle ne comporte pas une seule ligne de l’écrivain à l’écriture forte et rebelle, elle garde tout de même une certaine familiarité avec le présent texte. Pendant deux heures et dix minutes sans entracte, Pour qu’il y ait un début à votre langue raconte le destin de Frédéric (Frédéric Lemay), même prénom que le protagoniste de Du mercure sous la langue, à deux époques de son existence. Nous nous retrouvons d’abord en 2018 dans une chambre d’hôpital aux soins palliatifs où Frédéric, âgé de 26 ans,  ne parle plus à personne sauf à la compréhensive infirmière (Claudiane Ruelland). Il refuse de mourir dans la langue de sa famille qu’il juge d’une incroyable vacuité intellectuelle. À ce présent peu joyeux s’enchevêtre l’époque de ses 16 ans dans une banlieue québécoise anonyme où lui et sa grande amie Odile (Pascale Renaud-Hébert) rencontrent Wilson (Jonathan St-Armand), originaire du Massaï en Afrique de l’Est. Les comparses ressentent la même insatisfaction face à un monde sans rébellion et sans espoir grandiose. À la suite d’un événement tragique, le trio se sépare. Entre deux échanges de cette jeunesse fougueuse, se succèdent à tour de rôle les membres de la famille du jeune garçon (Nathalie Mallette, Daniel Parent, Linda Laplante et Richard Thériault).   

Avec huit interprètes doués et une salle Fred-Barry légèrement transformée, les astres semblaient parfaitement alignés pour l’atteinte de ses ambitions. Pourtant, son exécution scénique, aussi prometteuse semblait-elle, laisse une impression d’inachèvement.

L’intrigue s’amorce alors que Frédéric, vêtu simplement d’une jaquette, nous demande de fermer nos téléphones intelligents (et tout autre objet bruyant) et installe une sorte de poudre brune dans un lit. Ses premiers mots ne peuvent être plus directs et crus: « j’ai chié dans mon lit/j’ai fait caca/je me suis rendu compte de rien ». D’une chimie indéniable, les échanges avec l’infirmière et la succession d’actions intimes qui s’ensuivent sont d’une belle tendresse. Certaines des séquences sont accompagnées en arrière-fond sonore de chansons populaires (dont Lovesong de The Cure, joli souvenir de la fin des années 1980).

Dans son souhait de briser l’illusion du quatrième mur, Steve Gagnon a réparti le public entre quatre sections distinctes, deux de chaque côté en position bifrontale avec l’aire de jeu au centre. À divers endroits se trouvent des micros derrière lesquels les artistes expriment leurs états d’âme. Quand ils ne sont pas impliqués directement dans l’action, ceux-ci en suivent le déroulement, assis à divers endroits dans l’espace. Or, le résultat paraît trop timide et éparpillé pour convaincre réellement. Reconnaissable par ses tableaux successifs (qui alternent d’une décennie à l’autre), la mise en scène ne traduit pas suffisamment l’énergie attendue d’une telle forme théâtrale aussi fragmentée et elliptique. Par ailleurs, la langue rugueuse, parfois aux envolées vertigineuses et à d’autres occasions d’une vulgarité assumée par l’auteur (qui a remporté le prix Marcel-Dubé pour sa précédente réalisation Os - la montagne blanche), se perd dans tous ses effets scéniques distrayants. Par exemple, le père se promène lors d’un monologue avec un vieil écran d’ordinateur (pour parler du reset sur l’appareil de la grand-mère), un choix artistique un peu facile, tout comme ceux de jeter des boites de macaronis sur le sol ou encore une apparition soudaine du sable qui tombe du plafond. Mentionnons par contre la finale saisissante et inattendue, nous laissant imaginer la frénésie du traitement scénique si toute la folie et la délinquance de la partition avaient émergé sur le plateau.     

Fort heureusement, les faiblesses sont compensées par les prestations d’actrices et d’acteurs. Dans la peau de ce Frédéric vindicatif et qui refuse d’abdiquer devant le conformisme ambiant, Frédéric Lemay se révèle à la hauteur de ce rôle complexe. Sous les traits de ses deux complices, Pascale Renaud-Hébert et Jonathan St-Armand démontrent une assurance tangible, surtout la première avec sa personnalité frondeuse. D’une autre génération, leurs autres partenaires insufflent une ferveur émouvante à leurs compositions respectives, entre autres Nathalie Mallette et Linda Laplante, particulièrement brillantes.      

Quelques minutes avant la finale l’infirmière lit ces mots : « et pour que l’automne ne vous donne plus envie de mourir/l’automne deviendra la saison des naissances/et il vous faudra inventer des couleurs nouvelles pour/donner des noms à mes enfants/et vous vous êtes tus », dans un magnifique élan. Car malgré le résultat parfois laborieux de l’entreprise, Pour qu’il y ait un début à votre langue contient des phrases poétiques vibrantes, telles « des bêtes féroces de l’espoir », pour reprendre un vers emblématique de Gaston Miron.

09-04-2019

Salle Fred-Barry, Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974

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