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Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell
Du 22 janvier au 9 février 2019

Avec trois générations sous  un  même  toit, les conflits sont légion chez les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell, et l’eau chaude vient à manquer. Mais lorsque la grand-mère vacille, sa chambre d’hôpital devient leur deuxième maison, et là, c’est l’implosion. Mais que cache cette famille improbable, étrange reflet de nos contradictions  ?

Après Buffles, un texte catalan, le Théâtre à l’eau froide fait une incursion chez l’Argentin Claudio Tolcachir, offrant au metteur en scène Louis-Karl Tremblay de creuser la veine de la cruauté ordinaire.


De Claudio Tolcachir
Traduction et adaptation Catherine Beauchemin
Mise en scène Louis-Karl Tremblay
Avec Catherine Beauchemin, Louise Cardinal, Luc Chandonnet, Daniel D’amours, Muriel Dutil, Kariane Héroux-Danis, Simon Landry-Désy, Olivier Turcotte


Crédits supplémentaires et autres informations

Assistance, conception sonore et et régie Gabrielle Girard
Costumes Leïlah Dufour Forget
Lumières Robin Kittel-Ouimet
Scénographie Carol-Anne Bourgon Sicard
Direction de production et direction technique Suzie Bilodeau

Durée à venir

mardi au jeudi 19h30, vendredi 20h30 , samedi 16h30

Mercredi causerie après la représentation 30 janvier

 

Régulier

*60 ans et +

*30 ans et -

**MHM

44,00 $

32,00 $

​30,00 $

29,00 $

​36,00 $

32,00 $

30,00 $

26,00 $

* Pièce d'identité requise
** Pour les résidents de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Preuve de résidence requise.

Forfait Premier Regard

2 billets pour 1 même spectacle 36,00$
Disponible du mercredi au samedi de la première semaine de représentations.

Billets ni transférables ni remboursables. Le Scriptarium 2019 exclu.

Une production Théâtre à l'eau froide


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Critique disponible
            
Critique

Après Buffles du Catalan Pau Miro, le Théâtre à l’eau froide scrute une autre dramaturgie méconnue, celle de l’Argentin Claudio Tolcachir. Dans une traduction et adaptation de Catherine Beauchemin (également actrice dans la production), la pièce Les Coleman-Millaire-Fortin-Campbell dirigée par Louis-Karl Tremblay révèle avec acuité combien l’intime et le social demeurent intrinsèquement liés, parfois pour le pire.






Crédit photos : Marie-Andrée Lemire

Auparavant, le metteur en scène avait conçu des projets ambitieux, mais concluants comme une adaptation des Troyennes d’Euripide dans une piscine, avec une distribution nombreuse, dont la regrettée Catherine Bégin ; une relecture dynamique d’Yvonne, princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz ou encore Les Têtes baissées de Mickael Lamoureux. Ici dans la petite salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, il poursuit son goût pour l’expérimentation et les atmosphères empreintes d’étrangeté. Le public est réparti dans trois sections, face au plateau et sur les deux côtés, devenant en quelque sorte un témoin-voyeur de cette « tragi-comédie » contemporaine. Sur l’aire de jeu dépouillée, se trouvent uniquement un vieux fauteuil et un pan de mur (ou du plafond) incliné. De plus, devant les spectateurs, quelques chaises se retrouvent éparpillées ; les personnages s’y assoient brièvement pour suivre le fil de l’action.

Créée en 2005 à Buenos Aires dans une mise une scène de Tolcachir lui-même (La omisión de la familia Coleman), l’histoire s’inspire de la crise économique qui a grandement secoué l’Argentine au début du 21e siècle, crise qui a aussi suscité certaines pratiques théâtrales dites alternatives comme celle de performer dans des maisons. Car pour survivre, des membres de la classe moyenne ou plus pauvre ont décidé de vivre à plusieurs dans un même lieu. Par ailleurs, volonté ou non de refléter une réalité universelle, la présente version ne donne aucune référence géographique.

Si le célèbre «Famille, je vous hais» d’André Gide résonne beaucoup dans les liens entre ces Coleman-Millaire-Fortin-Campbell, son orchestration par Louis-Karl Tremblay et son équipe secoue nos sens et nos esprits.

D’une durée d’environ une heure et demie sans entracte, l’intrigue s’articule autour d’une famille sur trois générations qui habite le même appartement. Nous rencontrons une grand-mère âgée, Mamie (Muriel Dutil) à la chevelure blanche, sa fille Loulou aux allures d’adolescente (Louise Cardinal) et trois de ses petits-enfants : David (Daniel D’Amours), Gabi (Kariane Héroux-Danis) et Mario (Simon Landry-Désy) aux comportements erratiques. Arrive un peu plus tard une autre de ses petites-filles, Véro (Catherine Beauchemin), qui a quitté tôt le nid familial et vit ailleurs avec ses enfants. D’autres figures s’intègrent au récit, comme le conducteur Henri (Olivier Turcotte) qui accompagne Véro dans ses déplacements. Ces figures accentuent la dimension quasi kafkaïenne du texte. Car, sous le drame se dissimulent bien des pointes ironiques, même inquiétantes. Et quand l’aïeule doit être hospitalisée d’urgence, le plafond s’effondre et l’action se transporte dans sa chambre d’hôpital. Le changement de décor s’effectue devant nous, notamment par le comédien qui incarne le docteur (Luc Chardonnet).  

Sa signature demeure perceptible, pour avoir vu et apprécié certaines des réalisations antérieures de Tremblay. L’attention est portée sur ses interprètes, et ce, sans besoin de gadgets ou d’effets spéciaux distrayants. Durant la première moitié, nous sentons bien la trop grande proximité qui mine les relations entre les individus aux personnalités ambivalentes. Les apparences de solidarité et de tendresse laissent place peu à peu à des conflits. Si des productions antérieures de l’œuvre scénique, notamment celle de la création, illustraient plutôt le dépouillement matériel dans lequel gravitent les protagonistes, la présente proposition renforce davantage leur difficulté (ou plutôt leur incapacité) à transgresser leur malaise, à sortir vers le monde extérieur et à trouver leur autonomie personnelle.

Repris en boucles comme des coups de poing, les bruits sonores concoctés par Gabrielle Girard rendent aussi parfaitement ce sentiment d’exiguïté et d’inconfort. Devant des situations qui tournent parfois à l’absurde ou restent volontairement dans des zones incompréhensibles, la mise en scène rappelle celle des Têtes baissées (bien que ce spectacle abordait un sujet assez différent).

Du début à la fin, la pièce oscille entre un réalisme inexorable et un décalage ironique voulu par l’auteur. La cellule familiale, souvent perçue comme un refuge devant les attaques d’une société individualiste, se transforme peu en peu en une prison délétère. Le décès de la matriarche (l’un des moments les plus forts avec Muriel Dutil qui sort par la porte de l’arrière-scène auréolée d’une lumière blanche) entraîne d’autres tensions, parfois imprévisibles. La dernière séquence, troublante, ne nous laisse pas sur une note joyeuse.

Beaucoup de l’intérêt de ces Coleman-Millaire-Fortin-Campbell revient aux comédiens et comédiennes. Déjà excellente auparavant sous la gouverne de Tremblay dans Les Têtes baissées, Muriel Dutil s’avère aussi intense, solide et nuancée. En garçon malade et torturé, Simon Landry-Désy démontre un talent assumé dans la lignée de certaines de ses prestations mémorables, comme dans La Liberté de Martin Bellemare. Soulignons aussi l’aplomb d’une Louise Cardinal toujours aussi épatante.

Si le célèbre «Famille, je vous hais» d’André Gide résonne beaucoup dans les liens entre ces Coleman-Millaire-Fortin-Campbell, son orchestration par Louis-Karl Tremblay et son équipe secoue nos sens et nos esprits.  

28-01-2019
 

Salle Fred-Barry, Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974

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