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Suppl. mardi 21 fév. 19h, jeu 23 fév. 20h et vend. 24 fév. 20h
«J’embrasse mon rival, mais c’est pour mieux l’étouffer.»
(Néron, Acte IV – Scène 3 : v.1314)La scène se passe à Rome dans le palais du jeune Néron. Par nécessité politique, Néron s’apprête à éliminer Britannicus dont il a usurpé le trône. Il cherche aussi à écarter de son chemin son principal opposant qui est Agrippine, sa propre mère. Et pourtant, celle-ci n’avait pas hésité à faire assassiner l’empereur Claude, son mari, pour mettre son fils sur le trône à la place de Britannicus. Déçue, sachant que Néron veut posséder Junie, elle favorisera les amours de Britannicus et de la jeune princesse. Néron ne reculera devant rien pour écraser le jeune couple d’amants. Une effroyable histoire de famille sur fond historique.
Racine, le grand poète dramatique du dix-septième siècle, a voulu restituer à la scène tragique sa véritable dimension qui lui avait été conférée par les Grecs. Chez Racine, la passion amoureuse est une fatalité sans appel, génératrice de haine et de destruction. Il nous offre une réflexion profonde sur le désir et sur la quête obsessionnelle du pouvoir.
Martin Faucher offre un Britannicus sauvage et raffiné, sensuel et intelligent. Un spectacle axé sur la jeunesse et sur la difficulté de transmettre des valeurs dans une société corrompue. Installé directement sur la scène, le public sera près des acteurs et de la tragédie. Une approche intime, dans un lieu contemporain inquiétant et glauque.
Texte
RacineMise en scène
Martin FaucherAvec
Dominique Quesnel, Benoit McGinnis, Maxime Denommée, Geneviève Alarie, Philippe Cousineau, Sébastien Dodge, Chantal Dumoulin, Denis GravereauxCollaborateurs
Marie-Hélène Dufort, Jonas Bouchard, Denis Lavoie, Étienne Boucher, Huguette UguayDu 25 janvier au 17 février 2006
Suppl. mardi 21 fév. 19h, jeu 23 fév. 20h et vend. 24 fév. 20h
Billetterie : 253-8974______________________
crédit photo : Josée Lambert
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par David Lefebvre
Jean Racine est un être fascinant. Il serait difficile de résumer sa vie à quelques lignes, mais laissez-moi le soin de vous dire qu'il était un des plus grands auteurs du XVIIe siècle. Sous la protection royale tout au long de sa vie, Il puisait son inspiration dans les textes originaux des tragédies grecques. Racine connaît son premier succès théâtral avec La Thébaïde ou les Frères ennemis, dirigée par nul autre que Molière. Il enchaîne plusieurs projets qui deviendront de grands classiques : Alexandre, Andromaque, Iphigénie, Phèdre, Bérénice... Rival naturel de Corneille, il finira par le dépasser. Celui-ci, jaloux et se sentant en danger, va jusqu'au complot pour ruiner une première importante, sans grande répercussion sur le succès global que connaît malgré tout Racine. Même si ces deux auteurs abordent les mêmes sujets et époques, soit la Rome antique, Corneille est plus optimiste, croyant au salut de l'homme, tandis que Racine, plus sombre, propose une vision où l'homme marche dans les ruines de sa propre destinée, brûlée par sa passion.
Pour conclure son cycle classique au Théâtre Denise-Pelletier, après Le Menteur de Corneille et Les Femmes savantes de Molière, le metteur en scène Martin Faucher nous propose un Britannicus intime et passionnel. Petit résumé : Rome. Après l'assassinat de l'empereur Claudius par sa femme Agrippine (Dominique Quesnel) pour mettre son fils Néron (Benoît McGinnis) à la place de Britannicus (Maxime Denommée), fils légitime de l'empereur, Néron tente d'éliminer Britannicus et repousse sa mère du pouvoir. Déçue, elle sait que son fils désire Junie (Geneviève Alarie), la maîtresse de Britannicus ; elle favorisera l'amour de ces deux amants au détriment de son fils. Se mêlent aussi à cet histoire les gouverneurs des deux jeunes princes, Burrhus (Philippe Cousineau) et Narcisse (Sébastien Dodge), ainsi qu'Albine (Chantal Dumoulin), la confidente de la reine. Complot, chantage, meurtres, amour, haine et pouvoir.
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Crédit photos (3) : Robert EtcheverryPour les deux premières pièces du cycle, Faucher n'avait pas seulement élevé des ponts entre les textes centenaires et le monde d'aujourd'hui, il avait modernisé le propos, la scénographie, les costumes, bref il avait réactualisé ces classiques. Britannicus est traitée ici autrement : de par cette effroyable histoire familiale, des jeux de coulisse du pouvoir, on a voulu travailler d'une façon plus intime, plus sobre. Pour une rare fois dans ce théâtre, les spectateurs sont assis sur la scène, créant une proximité rappelant les assemblées romaines ou celles de Versailles. On aurait pu s'attendre à une mise en scène plus flamboyante, extravagante, mais elle reflète parfaitement les idées pessimistes de l'auteur. Les costumes de Denis Lavoie sont très contemporains : même si de ce fait on établit ce fameux pont entre aujourd'hui et la Rome antique et malgré qu'ils soient bien coordonnés, ils viennent «banaliser» le statut politique des personnages. La musique de Pedno, tant qu'à elle, relie l'aujourd'hui et le XVIIe siècle avec les notes d'un clavecin distordu un peu trop agressif. Mis à part quelques accessoires et détails au mur, la scénographie est pratiquement inexistante, on entre et sort par les coulisses du théâtre. C'est surtout au niveau de l'éclairage et des ombres, orchestrés par Étienne Boucher, qu'on s'en remet. La lumière provient de différentes sources, mais surtout des coulisses et de l'avant-scène. L'intensité joue un rôle primordial dans certaines scènes, allant de l'orangé ensoleillé au néon blanc.
Après un début lourd, où l'oreille tente de se familiariser avec les alexandrins du grand Racine qui sont, soit dit en passant, dits très clairement par tous les comédiens (ô bonheur!), la pièce passe à un tout autre niveau dès que McGinnis entre en scène. Il incarne avec brio un monstre naissant, un Néron presque gracieux, jouant au funambule sur la corde séparant la lucidité et la folie. Au-delà de l'amour maladroit qu'il éprouve envers Junie, c'est la possession qu'il recherche. Son jugement, inculquée par un Burrhus loyal et fidèle, est gangrené par le vil Narcisse, interprété par le talentueux Sébastien Dodge. Geneviève Alarie joue avec justesse une Junie simple mais attirante. Dominique Quesnel habite Agrippine de la tête aux pieds, à la démarche figée, coincée, très fière, comme pour se démarquer du fils. Maxime Denommée défend un Britannicus très jeune, aveuglé par l'amour, sans arme contre ce qui l'attend. Ce triangle amoureux (Néron-Junie-Britannicus) parlera beaucoup aux adolescents. Tous les personnages refoulent une grande violence, qui menace d'exploser à tout moment. Fait à noter, Denis Gravereaux apparaît ici et là dans le rôle muet de garde du palais.
Trois cents trente-sept ans plus tard après sa première création, Britannicus est-il toujours actuel? Avec les luttes politiques, les trahisons, les valeurs individualistes, ce texte intelligent de Racine répond de lui-même. Sombre, intime et passionnel, la relecture de Faucher vaut inévitablement le coup d'oeil.
30-01-2006