Un homme et une femme s’aiment. Ils ont un enfant. Ils se séparent. Ils essaient néanmoins d’agir en adultes responsables, de préserver leur relation, ne serait-ce qu’en regard du développement du petit. Ils tentent même de garder une certaine proximité. Après tout, ils se connaissent si bien. Ils croient qu’ils sauront se tenir à l’écart de l’assaut du désir qui pourrait bien resurgir, ils croient qu’ils sauront surmonter la tentation de brandir les armes habituelles et les vieilles rancœurs. Ils croient qu’ils sauront créer une intimité nouvelle fondée sur le respect d’un espace privé dont chacun a besoin. Ils le croient sincèrement. Sans plaidoyer et sans jugement, Frédéric Blanchette examine la rupture d’un couple qui aspire à créer une zone de compromis, un territoire de conciliation autour de ce qui reste de vivant de leur histoire : leur enfant. Mais quand le passé se charge de ramener à la conscience les épaves des vieilles blessures et des récriminations non-avouées, est-il possible de se retrouver lavé de tout ce qui a été?

Texte
Mise en scène
Frédéric Blanchette

Avec
David Boutin
Catherine-Anne Toupin
Sylvain Bélanger

Collaborateurs
Marie-Hélène Dufort
Olivier Landreville
Oum-Keltoum Belkassi
André Rioux
Yves Morin

Une production du Théâtre d'Aujourd'hui

Du 10 octobre au 4 novembre 2006
Billetterie : 514-282-3900

 

par David Lefebvre

La séparation d'un couple est toujours un moment difficile. Quand celui-ci possède conjointement un peu d'argent, ça se complique. Et s'il y a enfant à bord, c'est le bordel.

Un couple (David Boutin et Catherine-Anne Toupin) se sépare. Papiers à signer, nouvelles règles, enfant à se partager. Ils tentent néanmoins d'adopter une conduite responsable pour leur relation et leur jeune garçon. Chacun tente de refaire leur vie ; la femme avec l'aide qu'elle trouve (psy, livres) et l'homme du mieux qu'il le peut. L’histoire est connue : la femme est plus stable et très « by the book », l’homme a de petits emplois et vit précairement. Puis les vieilles rancoeurs refont surface, on brandit les poings, on traverse les barricades, on se pointe du doigt. On rechute aussi. Ce n’est pas parce qu’on n’est plus ensemble que le désir s’efface, que les secrets disparaissent, que les souvenirs s’estompent. L’intimité prend un tout autre sens. Les espaces privés deviennent des champs de mines, et les comportements de l'autre parent (lire ici "père") deviennent des armes lors de revendications de droit.

Plutôt explosif, parfois troublant par son réaliste, le premier long texte de Frédéric Blanchette aborde les lois de la communication entre deux individus qui ont une histoire commune et les conséquences des actes de chacun d'entre eux ; de la difficulté de se comprendre quand les deux univers se reconstruisent séparément, de l’impossibilité d’échanger malgré les bonnes intentions. On sent la signature de Blanchette dans chaque mot du scénario et dans la mise en scène : de petites phrases rapides et interposées, un rythme soutenu, un humour bien dosé, des silences appuyés, un « langage » du non-dit puissant, deux discours en parallèle qui se percutent de temps en temps. David Boutin, avec un parlé relâché, nerveux, est attachant ; Catherine-Anne Toupin interprète avec brio la jeune mère responsable, qui tient à ses idées, qui sait que l’amour s’en est allé mais qui garde quand même une certaine affection pour cet homme, sans véritablement le montrer. Puis apparaît le troisième personnage, le nouveau « chum » pratiquement parfait, joué par Sylvain Bélanger.


David Boutin et Catherine-Anne Toupin
Crédit photo : Yves Renaud

La scénographie d’Olivier Landreville, reproduit une pièce d’une maison ; inclinée vers le public, on sent que ça glisse, que ça dérape, et que ce qui supporte tout ce branle-bas n’est autre que le petit rescapé de la tourmente relationnelle de ces deux individus. Les fondations, métaphoriques, sont les souvenirs et des centaines de photos du garçon du couple. Les éclairages d’André Rioux se veulent réalistes, représentant souvent la lumière de l’extérieur, sauf lors de la scène de la première rencontre entre l’ex et le nouveau copain, où la lumière est très froide et crue. On perçoit immédiatement les émotions de l’ex.

Véritable portrait contemporain, Le Périmètre se veut une histoire conflictuelle bien racontée, certes, et bien jouée, mais le propos n’apporte malheureusement rien de neuf au discours ; c’est même, pour ainsi dire, le genre d’histoire, voire petite tragédie quotidienne, qu’on entend trop souvent ou que l’on a même peut-être vécue. La force de cette pièce, mis à part le jeu des acteurs, se retrouve dans le non-dit et le langage corporel. La fin, par cette engueulade sur la garde de l’enfant et la confiance que chacun se porte à l’égard de son bien-être et de son éducation, loin d’être une conclusion, se présente comme un précipice sans fond – une situation sans épilogue. On se pose alors plein de questions : peut-on vraiment s’en sortir en tant que parents séparés ? Peut-on réellement instaurer un périmètre neutre autour d’un enfant ? Quelle est la limite entre droit et abus de droit au nom du bien-être et de la sécurité de l'enfant ?

Les éléments sont alors en place pour un cas de blocage de pont et une banderole à la « Papa t’aime ! »…

13-10-2006