Independance… une petite ville de l'Iowa. Trois sœurs se retrouvent réunies dans la maison familiale après plusieurs années. Dans cet univers clos, elles tentent, chacune à sa façon, d'affirmer sa propre identité. Leur mère, possessive et abusive depuis le départ de son mari, ne supporte pas l'idée de l'éclatement de sa famille. Elle empêche ses filles de s'épanouir et d'acquérir leur propre autonomie. Cet amour maternel exclusif, proche de la névrose, entretient chez les filles un seul et même désir : celui de partir…

Après un coup de cœur du public en février 2006, le Théâtre Des Dérivés récidive !!!! Avec grand plaisir, il se présentera à vous ; intimiste, touchant et plein d'humanité au son du violoncelle de Vincent Bélanger. Ce texte, à priori d'un grand réalisme, effleure l'absurde en explorant des zones grises typiques des rapports entre une mère et ses filles.

Traduction
François Bouchereau

Adaptation québécoise
Robert Vézina

Mise en scène
Érika Gagnon

Avec
Véronique Aubut, Marie-Frédérique Auger, Annick Fontaine, Ansie St-Martin

Création et interprétation musicale
Vincent Bélanger

Scénographie
Jeanne Lapierre

Une production Théâtre des dérivés

Du 24 avril au 5 mai 2007
Billetterie : Les billets à l'unité pour tous les pectacles sont en vente sur le RÉSEAU BILLETECH - 418-643-8131 - et à la porte les soirs de représentations, selon la disponibilité

 

par Yohan Marcotte

Independance, ce titre vous évoque sûrement bien des choses, mais c’est aussi, pour cette production, une petite ville de l’Iowa qui sera le lieu où se jouera l’avenir d’une famille ou de ce qu’il en reste. L’action débute lors du retour de la fille aînée, Kim (Ansie Saint-Martin), qui revient dans la maison familiale après quatre années d’absence. Elle apprend rapidement que sa mère (Marie-Frédérique Auger) a violenté sa sœur Jo (Annick Fontaine) qui est enceinte et selon les termes choisis par celle-ci : « Elle a essayé de me tuer ». Charlie (Véronique Aubut), la plus jeune des trois soeurs, se moque de la situation, de sa famille, de tout et de rien, mais cette jeune femme a la réplique facile et cinglante. Malgré ses dix-neuf ans, elle en a vécu beaucoup et a connu beaucoup d’hommes.

Nous comprenons ce qui est dit à demi-mot entre ces femmes. Charlie, tombée enceinte quatre ans plutôt, s’est vu obligée de donner sa fille en adoption. C’est Kim qui a dû gérer la situation, à cette époque, devant l’incapacité de sa mère à veiller sur sa cadette. Figure maternelle, avide de l’amour de ses enfants, se montre d’une immense cruauté lorsque les événements où les gens ne satisfont pas ses attentes, régressant elle-même à une attitude infantile. Ce comportement asocial avait obligé Kim à faire interner sa mère un moment.

De fil en aiguille, Kim voit le dévouement de Jo envers leur mère qui montre toujours le besoin d’être assisté bien que les années aient passé et qu’elle a repris une vie somme toute « normale ». Kim essaie de faire remarquer à sa sœur combien cette relation est néfaste pour cette dernière et lui offre de venir habiter avec elle et sa copine à Minneapolis. Jo hésite. Kim est vue d’un mauvais œil par la mère lors de son retour et celle-ci redoute à raison son initiative à l’égard de Jo. Selon la mère, son aînée a coupé les ponts avec sa famille pour vivre dans un monde anonyme et, par-dessus le marché, s’est découverte homosexuelle. Cette fille distante et silencieuse lui rappelle la personnalité de son mari qui les a quittés des années auparavant.

Cette pièce de Lee Blessing se révèle fort bien construite, surtout au niveau des personnages qui sont de types pouvant nous être familiers et qui sont des plus troublants. Pour ce qui est des dialogues, ils ont un mordant, surtout dans la bouche de Véronique Aubut qui, malgré le côté brutal de son personnage, Charlie, parvient, par moments, à atteindre la sensibilité de l’auditoire et souvent à le faire rire par son sens de la répartie. Il en va de même pour les personnages de la mère et des deux autres sœurs.

La mise en scène se veut réaliste et cela réussit en son genre. Érika Gagnon a bien dirigé ses comédiennes et ce, pour notre plus grand plaisir. Par contre, en dehors de l’intérêt intellectuel, bien que la pièce soit pleine de cette matière que l’on nomme la vie, cette production touche peu, malgré les bons moments qu’elle renferme.

Ce texte est empli de tensions entre l’enfermement et le rêve d’ailleurs qui peuvent nous rappeler l’esprit de La Maison de Bernarda Alba de Lorca et Les Trois Sœurs de Tchekhov mais avec des thématiques résolument modernes… reliées à la sexualité qui ne veut plus rien dire, maintenant qu’elle peut se dissocier de l’acte de procréation. Somme toute, ce spectacle offre son lot de questions : le sort des personnes âgées, la maladie mentale et l’homosexualité… Au Nouveau Monde, l’Amérique des idées anciennes, on est agacé par beaucoup de bêtes noires. Ce sont des problèmes qui demeurent irrésolus, comme un appel à la solidarité de la grande famille humaine afin d’y faire face ensemble.

27-04-2007