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Du 10 au 28 février 2015, mardi et mercredi à 19 h, jeudi au samedi à 20 h, dimanche 22 février à 15 h
Le long voyageLe long voyage de Pierre-Guy B.
Texte Philippe Soldevila, Christian Essiambre, Pierre-Guy Blanchard
Mise en scène et direction de la création Philippe Soldevila
Avec Pierre-Guy Blanchard et Christian Essiambre

En errance depuis plusieurs années en Europe de l'est et au Moyen-Orient, Pierre-Guy B., percussionniste, est au bout du rouleau. Il retourne au bercail, dans le village tranquille de Charlo, en Acadie, où il a vu le jour. Là, dans une petite maison au bout de nulle part, devant la mer immense, il entreprend un voyage vertigineux. Un périple intérieur, jalonné des moments trépidants ayant marqué sa vie et l'ayant conduit à se réfugier dans la musique, la solitude et la vie nomade.

Christian Essiambre et Philippe Soldevila n’en sont pas à leur première collaboration. Ensemble, ils ont écrit Les trois exils de Christian E., pièce ayant remporté un immense succès partout où elle a été présentée. Elle a récemment valu aux artistes le Prix auteur dramatique BMO Groupe Financier, accompagné d’une bourse pour soutenir financièrement l’écriture du second volet de ce qui deviendra, au fil des ans, une « trilogie de fictions biographiques ».

Pour ce nouveau texte, les auteurs se sont associés à Pierre-Guy Blanchard, musicien, comédien et compositeur acadien. Le long voyage de Pierre-Guy B. explore sa vie tumultueuse, bouillonnante et déjantée.


Assistance à la création Alexandre Fecteau
Conseillère artistique Marcia Babineau
Environnement sonore Pierre-Guy Blanchard
Éclairage Marc Paulin
Direction artistique Philippe Soldevila, Marcia Babineau, Brigitte Haentjens

Production Théâtre Français du Centre National des Arts
Théâtre l'Escaouette
Théâtre Sortie de Secours


Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : 418-529-2183

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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Nicola Frank Vachon

Que se passe-t-il après l’exil ? Il y a le retour, certes, mais vers quoi, pourquoi ? Et ensuite ? La peur face à la mort et face à la vie demeure la même, au fond. Qu’est-ce qui nous pousse alors à revenir aux racines de notre existence ? Tout ce qui reste à faire, semble-t-il, c’est de « se lever et d’avancer, coûte que coûte, peu importe ». Mais qu’est-ce que ça signifie exactement ?

Coproduction du Théâtre Sortie de Secours, du théâtre l’Escaouette et du Théâtre français du Centre national des Arts d’Ottawa, Le long voyage de Pierre-Guy B. est une suite absolument logique à la pièce Les trois exils de Christian E., spectacle qui a fait l’unanimité chez le public et la critique depuis sa création, et que le Périscope a eu la brillante idée de présenter pour trois jours en prélude à la nouvelle création. Écrite cette fois-ci à six mains, la fascination de Philippe Soldevila et de Christian Essiambre s’est portée vers cet homme atypique, comédien et grand musicien acadien, sanguin, tumultueux et authentique qu’est Pierre Guy Blanchard, alias Pierre-Guy B.

La pièce commence sensiblement de la même manière que Trois exils : les comédiens sont en scène, posés, puis, après une franche accolade, sont doucement plongés dans le noir. Et c’est l’explosion : on retrouve avec plaisir le jeu énergique d’Essiambre dans la peau de son alter ego, qui, cette fois-ci, prépare un one-man-show en même temps que son mariage. Ce grand événement personnel l’amène à vouloir renouer avec un vieil ami, Pierre-Guy B., pour lui demander d’interpréter quelques mélodies lors de la cérémonie nuptiale. Alors qu’il le joint finalement par téléphone, il semble capter un message de détresse dans la voix embuée d’alcool de Pierre-Guy, ce qui pousse la petite famille de Christian E. à rouler des heures vers son Nouveau-Brunswick natal.

La mise en scène de Philippe Soldevila est en parfaite continuité et harmonie avec Trois exils ; éclatée, elle laisse la place au talent et à la remarquable intensité des deux comédiens qui usent de plusieurs chemins pour raconter leurs histoires. La réflexion des trois comparses sur l’existence se veut poussée, viscérale. C’est la quête chaotique et douloureuse d’un homme singulier, intègre, mais vacillant, qui ne sait plus du tout où il en est.

Les démarcations de la scène ressemblent à un court de tennis : les deux comédiens se tiendront chacun de leur côté pour leur partie respective, et se rejoindront lorsque les récits culmineront vers leurs retrouvailles. Si le côté de Christian E. est relativement épuré, encore une fois à l’image de Trois exils, celui de Pierre-Guy B. regorge de systèmes de son et de différents instruments de musique et de percussion, qu’il manipulera pour notre plus grand bonheur. Sa performance, entre autres, au xylophone, d’une rapidité et d’une adresse déconcertante, épate et fait éclater les applaudissements. Près d'une dizaine de microphones sont placés autour de la scène et près de Blanchard ; généralement utilisés à bon escient, pour augmenter la portée ou manipuler la voix grâce à différents effets, leur utilité s'avèrent à quelques (rares) reprises superflus, par exemple lors de discussions simples entre les deux comédiens.


Crédit photo : Nicola Frank Vachon

Essiambre récidive : l’acteur réitère l’exploit de se jouer de l’espace-temps en interprétant en même temps plusieurs personnages en trois lieux et autant d’époques, et ce, sans que le spectateur perde le fil du récit. La présence de Pierre-Guy Blanchard, qui prend d'ailleurs un certain temps à s'imposer, est tout aussi stupéfiante que solide : par des flashbacks, des souvenirs ainsi que la présence de son grand-père défunt, l’homme évoque son mal-être et sa souffrance dans sa maison au bord de la baie des Chaleurs, après une errance de plusieurs mois en Europe et au Moyen-Orient, particulièrement à Istanbul, ville qu’il a quittée pour des raisons obscures.

Si la pièce ne répond que rarement aux questions qu’elle soulève – qu’est-il arrivé exactement à Istanbul? Pourquoi Pierre-Guy est-il revenu à Charlo, sa ville natale? Que cherche-t-il réellement en s’aventurant sur la glace de la baie des Chaleurs, jusqu’à ne voir que la mer? –, elle est pourtant la concrétisation sur scène de l'adage « ce n’est pas la destination qui compte, mais le chemin ». Et ce chemin, on le souhaite interminable en compagnie de ces deux hommes qui nous conquièrent le cœur et l’âme, nous touchant profondément par leur authenticité, leur humour, leurs histoires passées et présentes, les flammes qui les font danser et boire, et leurs trous béants dans lequel se reflètent leurs visages, mais aussi le nôtre.

Second volet d’un triptyque souhaité qui explorera le style « fiction biographique », Le long voyage de Pierre-Guy B. est un véritable joyau théâtral, sans fausse note, puissant, désarmant.

11-02-2015