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Du 16 au 27 novembre 2010
Le bruit des os qui craquent
Texte : Suzanne Lebeau
Mise en scène : Gervais Gaudreault
Avec : Jean-Philip Debien, Isabelle Miquelon, Audrey Talbot
Quelque part dans un pays en guerre, une infirmière témoigne de la dure réalité des enfants soldats qu’elle soigne au quotidien. Elle raconte plus particulièrement l’histoire de deux d’entre eux : Elikia et Joseph. Dans ses mains, elle tient un petit cahier contenant les douloureuses mémoires d’Elikia, relatant sa vie de l’âge de 10 à 15 ans, du moment où elle a été forcée à joindre l’armée rebelle, jusqu’à la libération de ses tourments. En parallèle, nous revivons l’évasion de ces deux enfants. Au fil des jours et des nuits, ils s’accrochent un peu plus l’un à l’autre, pour survivre, pour espérer, pour reconstruire leur identité brisée, pour retrouver en eux cette parcelle d’humanité enfouie sous des couches de violences journalières.

Ce texte de Suzanne Lebeau a reçu le prix du Gouverneur général et de nombreux autres honneurs ici comme en France. Une ode à la dignité humaine éclairée par la sensibilité et la lucidité de son écriture.

Texte publié : LEBEAU Suzanne. Le bruit des os qui craquent, Leméac éditeur, 2009.

Équipe de création : Stéphanie Capistran-Lalonde, Milena Buziak, Stéphane Longpré, Linda Brunelle, Dominique Gagnon, Nancy Tobin, François Cyr, Anik Généreux, Éric Le Brec’h, Dominique Gagnon

Production de la compagnie de Théâtre le Carrousel et du Théâtre d’Aujourd’hui
En résidence au Théâtre de la Ville à Longueuil, en coproduction avec le Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine et la Fédération d’Associations de Théâtre Populaire, avec l’Aide à la création du Centre national du Théâtre et le soutien à l’auteur de la  SACD (France)
Codiffusion Théâtre Périscope

Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie :418-529-2183

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Dates antérieures (entre autres)

Du 12 au 16 mai 2010 - Maison Théâtre
Du 31 mars au 25 avril 2009 - Théâtre d'Aujourd'hui

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 Critique
Critique
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par Sophie Vaillancourt Léonard

Ce texte de Suzanne Lebeau n’a plus besoin de présentation : récipiendaire de plusieurs prix prestigieux (dont le Prix littéraire du Gouverneur général 2009 en théâtre) il a également été présenté en tournée en France et au Québec, en Ontario et au Mexique.

C’est suite à un voyage en République démocratique du Congo que Suzanne Lebeau se met à l’écriture de la pièce. Touchée par la situation de plus en plus répandue des enfants-soldats, elle décide de mettre en mots les histoires que deux d’entre eux, Amisi et Yaoundé, ont bien voulu lui raconter. Pour «Le bruit des os qui craquent», ils deviendront Elikia, 13 ans et Joseph, 8 ans. Tous deux enlevés dans leur village, c’est de leur fuite dont nous serons témoin. La scénographie nous présente deux temps; en arrière-scène, séparés de l’avant par un rideau transparent, ces enfants (Audrey Talbot et Jean-Philip Debien), à mi-chemin entre victime et bourreau, qui tentent de rejoindre le village de l’un deux. En avant-scène, une infirmière (Isabelle Miquelon) qui défend leur cause, raconte leur histoire sans détour, mais non sans émotions. Elle a connu Elikia et Joseph, c’est à son hôpital qu’ils sont arrivés. Armée du cahier d’Elikia, elle tente tant bien que mal de raconter les bribes d’une histoire d’horreur malheureusement trop répandue dans ce coin du monde.

Pendant une heure et quart, les spectateurs assistent, écoutent, reçoivent le témoignage des ces enfants dont la réalité semble bien improbable. Rien de pire que de s’imaginer un enfant armé, obligé de tuer, de violer et de piller pour rester en vie. Rien de pire que de s’imaginer que ces enfants, lorsqu’ils réussissent à fuir, n’ont souvent pas d’avenir devant eux.

Si le texte de Suzanne Lebeau est touchant et bien rendu par les trois comédiens (mention toute spéciale à Isabelle Miquelon en infirmière dépassée mais acharnée) il est surtout d’actualité et ne doit pas sombrer dans l’oubli. Toutefois, c’est personnellement avec un sentiment de culpabilité que je suis sortie du théâtre: culpabilité de ne pas avoir été touchée plus qu’il le faut. D’avoir été frappée par leur histoire, oui, touchée par cette terrible réalité, oui, mais touchée par la façon dont tout cela m’était conté ? Non.  Sans rien enlever au jeu des comédiens, il est un peu ardu de se laisser prendre à la reconstitution de la fuite de deux enfants africains lorsqu’ils sont joués par deux adultes blancs. Aussi simple que cela. Mais cette pièce de Suzanne Lebeau demeure d’une grande nécessité, d’autant plus qu’elle s’adresse tout autant à la jeunesse qu’aux adultes. Cette réalité des enfants-soldats doit être connue et doit absolument sensibiliser le plus de gens possible, une des missions que l’auteure Suzanne Lebeau s’était donnée, une mission qui doit être poursuivie.

19-11-2010

par Daphné Bathalon (2009)

Reconnue non seulement au Québec, mais également à travers le monde, Suzanne Lebeau sait donner force et pertinence à ses textes pour la jeune scène. Lorsqu’elle a vu le documentaire australien Enfants soldats, l’auteure dramatique a ressenti le besoin irrépressible d’écrire une pièce sur ce sujet. Elle s’est alors plongée dans l’écriture et a finalisé sa pièce après avoir rencontré deux enfants soldats à Kinshasa, en République du Congo. Le bruit des os qui craquent tient l’affiche jusqu’au 25 avril au Théâtre d’Aujourd’hui.

Elikia, 13 ans, et Joseph, 8 ans, ont été entraînés loin de leur foyer, loin de tout repère moral, dans un camp de rebelles où les jeunes garçons et filles deviennent des combattants, des tueurs. On les sait victimes et bourreaux. Une infirmière se présente à la salle, un cahier à la main, c’est le journal tenu par Elikia entre le moment où elle a trouvé refuge à l’hôpital et son décès deux ans plus tard.

En sortant de la salle, étrange sensation, j’ai l’impression que j’aurais dû aimer cette pièce, que j’aurais dû en apprécier le propos, que j’aurais dû ressentir quelque chose (culpabilité, amour, compréhension?) pour ces personnages d’enfants soldats, tirés de force de leur enfance et projetés violemment dans le monde adulte. Et pourtant, je n’ai rien ressenti. J’ai écouté avec plaisir et intérêt l’histoire qu’Angelina, l’infirmière au grand cœur était venue nous raconter, l’histoire d’Elikia, femme enfant et enfant soldat, mais je n’ai eu pour celle-ci aucun élan de compassion, aucun frémissement d’horreur pour ce qu’elle avait dû subir.

La faute n’en incombe pourtant pas à la scénographie qui aurait pu, par excès de zèle, transposer sur scène la zone de guerre dans ses moindres détails, au lieu de quoi, la scénographie de Stéphane Longpré esquisse habilement les forêts traversées par les deux enfants en fuite. Derrière les arbres, entre les troncs et les branches projetés sur une fine toile tendue à l’avant-scène, l’éclairage minimal ne nous permet pas de distinguer clairement les traits des enfants qui voyagent de nuit. Parfait : la pénombre se prête bien aux histoires et aux confidences. Elle tranche également avec la lumière crue du local où l’infirmière affronte ce qui ressemble à s’y méprendre à un tribunal sous ses airs de commission d’enquête. Il y a là un début d’inconfort, le sentiment que le public est à la fois spectateur d’un drame humain et jury dur et insensible. Ce jury coupe d’ailleurs souvent la parole à l’infirmière pour la sommer d’aller à l’essentiel, de se limiter aux faits : le récit d’une enfant n’a pas d’importance, sa parole non plus.

Alors pourquoi suis-je restée de marbre à l’écoute d’un texte fort qui pose un regard tendre et lucide sur ces enfances brisées? La carapace d’Elikia joue contre son interprète (Émilie Dionne) dont la voix semble trop détachée. Perdue dans cette neutralité, je ne me suis pas attachée aux pas de la jeune fille, ne me suis pas sentie impliquée dans son éprouvante traversée. Quant à l’infirmière (Lise Roy), le ton moralisateur de son témoignage n’a hélas pas provoqué chez moi un sentiment de culpabilité mais plutôt un léger agacement. Dommage, car dans son ensemble, Le bruit des os qui craquent recèle des trésors d’images – « L’arme tue aussi l’âme de celui qui le porte » – et dévoile sobrement l’espoir qu’ont les enfants soldat de s’échapper à l’enfer dans lequel on les a trop tôt enfermés.

08-04-2009

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