Du 11 au 29 janvier 2010, salle principale

Il y aura

Texte et mise en scène : Jean-Philippe Joubert
Avec Roland Lepage

Un vieil homme marche droit devant lui en traînant un chariot qui semble contenir toute sa vie. Il parcourt un espace toujours vide et se dirige tantôt vers la montagne, tantôt vers la mer. Il cherche l’endroit parfait où poser ses pénates. Il s’adresse à une femme absente avec une infinie tendresse, mais parfois, presque malgré lui, il éclate, impatient de rejoindre la destination  convoitée. Il s’arrête et retrace leurs souvenirs communs, se laisse aller à la joie de danser leur vie ou de la pleurer. Et il reprend le chemin toujours plus léger comme s’il se dépouillait lentement de tout ce qui a façonné son existence pour s’offrir tout entier à la lumière du paysage rêvé.

Ce spectacle de Nuages en pantalon - compagnie de création est un rendez-vous complice avec Roland Lepage. Une manière de chemin de traverse qui nous amène sur les traces d’un homme qui rejoue pour nous le temps de sa vie.

par Odré Simard

Inlassablement, un homme traîne derrière lui un petit chariot à l’intérieur duquel se trouve une robe de femme. Sans trop savoir vers où il se dirige, il cherche un endroit pour enfouir cette présence féminine qui l’accompagne, complice de sa vie. Est-ce que ce sera dans la rivière, sur un arbre ou sous la montagne? Tantôt avec douceur et tendresse, tantôt avec froideur et méchanceté, l’homme tergiverse à la fois sur sa vie passée ainsi que sur l’endroit qu’il désire maintenant atteindre. Avec pour alliés les mots qui se déversent de son âme, il semble vouloir expier bon nombre d’émotions vécues au fil de sa vie.

À l’âge de 81 ans, Roland Lepage fête sa 65e année de carrière sur les planches. Le prix Denise-Pelletier lui fut offert récemment pour couronner l’ensemble de sa carrière, étant un des onze prix décernés annuellement par le gouvernement du Québec à un artiste de la scène. Après avoir fait partie d’une centaine de productions,  c’est avec la compagnie Les nuages en pantalon qu’il effectue son premier solo. Par les mots de Jean-Philippe Joubert ainsi que dans une mise en scène de ce dernier, M. Lepage s’expose à nous en toute simplicité et fragilité.  

La démarche artistique de M. Joubert place le corps au centre du travail et propose une vision du théâtre comme jonction de plusieurs arts. Les projections vidéo et la musique étant parties intégrantes de la pièce, on sent fortement cette préoccupation. Par contre, il est à se demander pourquoi la musique prend justement autant de place. Au lieu de se fondre au texte, la musique nous apparait dans une juxtaposition un peu simpliste; séquence de texte, musique, séquence de texte, musique, etc. Avec 15 pièces musicales, cela a pour effet de devenir un peu lourd. Non pas que les œuvres de Bach ne sont pas intéressantes, mais elles prennent, à mon avis, trop de place. D’un autre côté, la présence de la vidéo est davantage liée à la pièce, ce qui apporte mouvement et texture ainsi qu’une idée de grandeur qui sert bien la réflexion. En revanche, on peut questionner la gestuelle chorégraphiée qui se met en place vers la fin de la pièce. Il aurait été profitable de mieux préparer le public dès le début à cette proposition de mouvements non réalistes. Attention, ce n’est pas que M. Lepage ne bouge pas bien ou que la gestuelle n’est pas digne d’intérêt, mais elle ne fait pas sens avec ce que la pièce instaure depuis le début comme atmosphère.

La rencontre de M. Joubert et M. Lepage nous offre un spectacle poétique tout en lenteur, sans grandes fioritures ni prétentions. Un temps d’arrêt qui peut être apprécié d'un public averti.

16-01-2010