Du 13 au 31 janvier 2009
Retour à l'accueil Imprimer cette page Archives Accueil Facebook del.icio.us

Si tu veux être mon amie

Texte : Litsa Boudalika, à partir de lettres authentiques
Idée originale et adaptation théâtrale : Éva Saïda
Adaptation et mise en scène : Jean-Philippe Joubert, avec la collaboration des interprètes
Avec : Jean-Philippe Joubert, Olivier Normand, Éva Saïda et Klervi Thienpont

1988. Galit Fink et Mervet Akram Sha’ban, deux jeunes fi lles à l’aube de l’adolescence, sont invitées à correspondre alors que tout les divise : l’une est Israélienne, l’autre Palestinienne. Malgré le mur quasi indestructible érigé entre leurs deux peuples, elles surmontent les préjugés pour faire se rencontrer leurs mots. Puis, une fragile amitié se tisse malgré les attentats et les couvre-feux. Comme toutes les autres jeunes fi lles, elles se parlent de leur famille, de leurs goûts musicaux et de leurs amis. Mais elles partagent également leur révolte et leur incompréhension devant l’Intifada qui les plonge quotidiennement dans les nuages de pierres et de peur. À la lumière de leurs lettres, miroirs d’un regard vierge sur le monde, nous explorons les fondements du confl it Israélo-palestinien qui sévit depuis si longtemps.

Les Nuages en pantalon nous offrent un spectacle d’une grande sensibilité, dans une esthétique imagée. Un spectacle essentiel et très humain qui renouvelle notre regard et touche les coeurs des plus jeunes comme des plus grands.

Texte publié : Si tu veux être mon amie, Éditions Gallimard (2002)

Assistance à la mise en scène : Sandra Matte
Installation scénique et costumes : Claudia Gendreau
Musique : Mathieu Campagna
Lumières : Jean-Philippe Joubert
Projections : Jean-François Valdenaire

Représentations du mardi au samedi à 20h sauf le 25 janvier à 15h

Production Nuages en pantalon - Compagnie de création
Codiffusion Théâtre Périscope

Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie :418-529-2183

par David Lefebvre

I can't believe the news today
Oh, I can't close my eyes and make it go away
- U2

Le chaos, le désordre, nos trajectoires divergentes
Le doute, la tristesse, la vie et nous deux perdus dans le cosmos…
-Dumas

Je n’étais pas censé écrire sur cette pièce, puisque ma précieuse collègue de Québec, Magali Paquin, en écrira sous peu la critique. Mais après avoir assisté à la représentation du 11 mars 2007, à la Maison Théâtre, je ne pouvais me résigner à rester silencieux sur cette création terriblement pertinente et émouvante.

Deux enfants de 12 ans, qui habitent pourtant à quelques kilomètres de distance, correspondent. Pourtant, tout les sépare : leurs religions, leurs cultures, leur pays scindée en deux : la Palestine et l’Israël. Elles ne sont pas si différentes, rêvant que l’Intifada se termine, croyant en un monde en paix, une vie meilleure. Plus les années passent, plus leur innocence fout le camp, avec la guerre qui continue et leur allégeance politique et nationale qui se précise. Des victimes des deux côtés, trop souvent des civils, une colère sourde qui gronde, malgré tout les deux jeunes femmes en devenir tentent de se comprendre. Trois ans après le début de leur correspondance, elles se rencontrent à Jérusalem. Leur seul et unique rendez-vous.

Ces deux femmes, qui ont le même âge que moi, c'est-à-dire maintenant la jeune trentaine, existent réellement. C’est à partir de leurs lettres, authentiques, que Litsa Boudalika a écrit Si tu veux être mon amie. Leurs mots, leurs pensées, leur vécu nous touchent encore davantage. Les comédiennes Éva Saïda et Klervi Thienpont prêtent leur voix et leur corps à ces deux femmes avec sensibilité et humanité. La mise en scène de Jean-Philippe Joubert, est simple mais inventive, visuellement riche, imagée. Quelques accessoires sont utilisés avec symbolisme : des cailloux, pour représenter la terre mais aussi la guerre des pierres, ou l’Intifada, des bottes de soldats pour l’armée, des blocs de béton pour les barrières. Plusieurs projections vidéo (de Jean-François Valdenaire), sur un écran fissuré comme un vieux mur, viennent renforcer le discours. Jean-Philippe Joubert et Olivier Normand complètent la distribution, incarnant la famille, des soldats et, par des mouvements de danse moderne, représentent la guerre.

La musique de Mathieu Campagna, les costumes de Claudia Gendreau, qui est aussi à la scéno et aux éclairages avec le metteur en scène, bref le travail de tous et chacun est magnifique. Le spectacle est une réussite totale, il nous fait prendre conscience, de l’intérieur, de l’horreur de ce conflit millénaire et terriblement complexe par les yeux et les opinions de deux filles qui brisent les frontières physiques et psychologiques, qui tentent sincèrement de comprendre pourquoi la guerre, pourquoi les couvre-feux, pourquoi les alertes, les bombes, les pierres jetés sur les voitures, les blessés, les morts. Il nous fait regretter qu’on ne puisse rien faire pour eux, sans pour autant prendre position pour aucun des deux camps. Il fait s’intéresser les plus jeunes aux conflits internationaux, et fait prendre conscience des malheurs des autres enfants dans le monde.

Ce spectacle est d’une grande importance et d’une pertinence indéniable. C'est en sortant de la salle, en félicitant Éva Saïda d'un trop simple bravo, les yeux bouffis et la gorge nouée, que je me suis rendu compte que les jeunes ont une chance inouïe de pouvoir assister à ce genre de spectacle. Si on pouvait en faire des "comme ça" pour les adultes, parfois...

Il est à souhaiter que le maximum de gens, au Québec et ailleurs dans le monde, puisse voir cette pièce et qu’enfin on puisse rêver d’un monde meilleur.

11-03-2007

Critique

par Magali Paquin

Elles ont grandi entre les pierres et les bruits de bottes. Quelques kilomètres les séparent, et pourtant, elles ne se sont rencontrées qu’une fois. Galit Fink et Mervet Akram Sha’ban, l’une Israélienne dans la ville de Jérusalem et l’autre Palestinienne dans un camp de réfugiés, débutent une correspondance vers l’âge de douze et treize ans, alors que s’amorce la première Intifada. Les deux fillettes (Klervi Thienpont, Éva Saïda) à l’imaginaire irrémédiablement marqué par la guerre et ses injustices échangent sur leurs vies respectives, leurs familles (Olivier Normand, Jean-Philippe Joubert), leurs intérêts, leurs ambitions. « Si tu veux être mon amie » trace le portrait saisissant et troublant de ces enfants que tout réunit et divise en même temps.

Quelle extraordinaire réussite que cette pièce qui démontre à la fois une délicate sensibilité et la réalité brute, sans détours ni grossières simplifications. Truffé de repères historiques et d’explications claires et accessibles sur le conflit israélo-palestinien, le texte de Litsa Boudalika, rédigé à partir de lettres authentiques échangées entre les fillettes qui ont aujourd’hui une trentaine d’années, ne tombe dans la complaisance ni ne prend parti pour l’un ou l’autre des camps. Il expose plutôt une réalité complexe sur la base des sentiments et ressentiments qui façonnent le quotidien de deux enfants, pris au piège dans un conflit qu’elles désapprouvent. Mais la guerre est chose sournoise; les préjugés et les convictions politiques s’y enracinent souvent de façon plus profonde que les rêves de paix. Quand tombent les pierres, les bombes et les innocents, l’animosité se rive au cœur malgré l’amitié. « T’es peut-être sympathique, mais t’es quand même arabe ». Le mur érigé entre les deux peuples n’est pas que littéral, il se dresse aussi entre les cœurs et les esprits.

Témoignant d’une profonde sensibilité face au conflit, la mise en scène de Jean-Philippe Joubert exploite avec justesse les symboles d’un affrontement qui perdure depuis des décennies. Pierres, cailloux et bottes militaires répandent la poussière sur un tapis écarlate, tandis que les coulisses sont mises à nu. Chacune dans leur univers, les fillettes déclament leurs lettres et du même souffle, envoient leurs mots par-delà la muraille de béton qui les sépare. Mais la gestuelle ou le visuel disent parfois plus que les discours. Des vidéos tirées de l’actualité sont projetées sur un mur de pierre, tandis que des chorégraphies accentuent l’intensité des événements. La guerre, homme aux bottes lestées de pierres, écrase tout sur son passage. Malgré tout, se poursuivra la correspondance aux extraits ponctués d’hébreu et d’arabe, traduits de façon malheureusement trop rapide et indistincte en gris sur fond blanc.

Témoignant d’une grande reconnaissance des capacités d’entendement des adolescents, « Si tu veux être mon amie » leur propose une trop rare réflexion sur le monde et les conflits qui l’affligent. En exposant avec sensibilité la réalité complexe de la guerre, cette pièce rappelle que sous les missiles et les « dommages collatéraux », se trouvent avant tout des êtres humains de chair et de cœur.

29-03-2007

Retour à l'accueil