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Conrad vient de laisser son travail de livreur de machine à Coke. Il invite Simon à le rejoindre au Gun Club pour boire un coup. Et puis, il se confie, ironise sur son travail, sur ses talents, sur leurs souvenirs communs. Il parle abondamment et se tait. La soirée est explosive. Il provoque, se brouille et termine sa nuit dans le stationnement, blessé des suites d’une bataille et marqué gravement par la vie. Les vapeurs d’alcool sont insuffisantes pour un homme assoiffé de dépassement, pour un homme pris dans l’étau d’un quotidien duquel il veut se délivrer. Conrad est un être errant. Ni ses amours, ni ses amitiés, ni son pays ne réussissent à l’ancrer quelque part en lui-même. /// le texte d’Herménégilde Chiasson superpose à la banalité du quotidien tout l’héritage spirituel qui fonde notre société. Notre héros cherche une direction à sa vie, un sens à la vie et se réfugie dans une foi aveugle en quelque chose qui n’advient pas. Sa quête est sans issue dans un Gun Club qui aurait pu être sauvé.
De retour à La Licorne
Du 20 au 24 février 2007
Billetterie : (514) 523-2246
Dates antérieures
Du 27 septembre au 1er octobre 2005, Th. Périscope (Québec)
6, 7, 8 octobre 2005, La Licorne (Montréal) suppl. le samedi 8 octobre à 15h
Dates de tournée au Québec
27 septembre au 1er octobre Théâtre Périscope, Québec
11 octobre Théâtre Outremont, Montréal
12 octobre Théâtre Hector Charland, L'Assomption
16 octobre Centre culturel, Beloeil
21 octobre Théâtre Lionel-Groulx, Sainte-ThérèseBilletterie:
Périscope : (418) 529-2183
Licorne : (514) 523-2246Texte
Herménégilde ChiassonMise en scène
Andréi ZahariaAvec
Jeanie Bourdages, Éric Butler, Luc LeblancConception
Yvan Gaudin, Marc Poulin, Jean-François MalletChansons
Fayo, Johnny Comeau, Jean-François Mallet, Les Païens, Denis Richard, Jolène RichardProduction Théâtre L’escaouette
En coproduction avec avec le Théâtre Français du Centre National des Arts
Codiffusion Théâtre Périscope (Qc)
Codiffusion Théâtre de la Manufacture (Mtl)
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par Yohan Marcotte (Québec)
Êtes-vous déjà sortis au Gun Club ? Le nom ne vous rappelle rien ? Qu’à cela ne tienne! Si vous avez oublié le nom de l’établissement, vous êtes probablement encore imprégné de l’atmosphère du lieu. Et qu’a-t-elle de mémorable cette atmosphère, demandez-vous ? La serveuse en mal d’amour qui chante son set western entre ses services ? Sinon les murs en accordéon ? Non, rien de tout ça. Rien, sinon un refuge au mal de vivre grâce à l’alcool imbibé par les veilleurs… Des êtres en proie à la bêtise ambiante, celle de leur quotidien passé à se frotter sur le travail et le manque d’amour. Des gens qui, une fois leur courage pris à pleine main, ne vont déplacer que les meubles. N’ayant jamais d’yeux pour la poussière au sol qu’ils ont tant respirée qu’ils en sont maintenant transformés, pour ne pas dire usés.
L’univers créé par l’artiste aux multiples facettes, Herménégilde Chiasson, nous happe par la proximité de la réalité de ces personnages que nous connaissons, à tout le moins pour les avoir déjà croisés dans la rue. Le spectateur québécois y rencontre, bien sûr, l’accent acadien qu’heureusement, le contexte de tournée n’a pas poussé à atténuer. Point fascinant dans cette rencontre, c’est justement cet accent qui, par delà la couleur égayée qu’il donne aux personnages, vient chercher le spectateur à bras le corps et le confronte à une situation qui va au-delà de l’apparence des éléments mis en situation. En entrevue, l’auteur avoue tenir à cet aspect universel de la tragédie, de sorte qu’il n’écrit pas l’Acadie porteuse des souvenirs qui l'ont marquée, mais en lien avec sa situation actuelle où des vies se brisent tout en s’accrochant à un monde qui demande à ses actants de relever de la machine plus que de l’humain. On présente ceux-ci pris de questions, d’émotions et de fébrilité, tentant de rendre inaperçus ces débordements, vus comme des faiblesses par la société moderne ; là où la dignité se gagne en fonction de la force de production. C’est donc en voulant faire passer ça qu’on débarque au Gun Club. Et ça passe ou ça casse, comme on dirait.
Les personnages s’expriment par des formules toutes faites, nullement guindées mais à l’originalité terrée derrière la répétition de ce qui correspond au bon sens. Aussi, les personnages sont peu scolarisés : un réparateur de machines de Coke et un mécanicien bavardent au fond d’un bar. La pensée propre des personnages est entraînée par toutes sortes de conventions. Le meilleur exemple est incarné par Conrad qui a appris l’Évangile par cœur. Pouvant lancer de belles citations, mais confiant à son ami Simon que bien des mots lui sont inconnus, n’ayant pas pris la peine de les comprendre. S’étant prêté à cet exercice de mémorisation à cause de la recommandation de son père qui avait été sauvé par les textes sacrés. Conrad a rempli la demande sans creuser en lui un espace pour la méditation de ce texte en rapport avec sa propre existence.
Toute la tragédie réside en ce point, les personnages tentent de se libérer en affrontant le monde qui leur fait éprouver de la souffrance, alors qu’en leur for intérieur, siège même de cette souffrance, la tempête fait rage. La mise en scène dépouillée permet un retour à soi sur cette catastrophe de la révolte folle de personnages qui ne prennent pas le temps de se connaître. Une scénographie simple est dévoilée par un changement d’éclairage progressif qui fait découvrir un triangle tout au fond du bar pointant vers le sol où un plan incliné représente un autre triangle qui se redresse à peine. Loin de se rencontrer comme le symbole de l’étoile de David, ils évoquent sans insistance l’impossible quête spirituelle des personnages.
28-09-2005