Gilgamesh est une histoire sans âge qui rejoint encore intensément les femmes et les hommes contemporains. Les thèmes anciens, brillamment abordés par Michel Garneau, s’adressent directement à l’âme moderne : l’état originel de la nature corrompue par la cupidité ; l’orgueil et la recherche d’une gloire héroïque personnelle ; la destruction des habitats naturels de nos frères et soeurs les animaux ; le cancer grandissant des villes ; la possibilité d’une relation érotique amicale et profonde entre deux personnes ; la présence constante et sinistre de la mort, qui fait naître la peur qui anéantit amitiés, famille, idéaux héroïques, innocence et qui, petit à petit, corrompt l’âme humaine.
Gilgamesh parle d’une quête, de la recherche de l’immortalité à travers les mondes du rêve, de la transe et de la possession de l’âme. Les images créées sous la direction de Richard Nieoczym transportent le spectateur dans un univers magique, un espace-temps ou hommes, animaux et dieux se côtoient. Il offre un voyage du jardin originel de l’innocence vers les rues de la Cité, en passant par les paysages Beckettiens de l’attente sans fin, de la désolation spirituelle et de la perte de l’âme. De l’esthétique particulière de ce projet ressort le caractère un peu enfantin qui se
retrouve parfois dans les actes posés par les grands hommes. Une pièce pour adultes, jouée dans un décor de jardin d’enfants.C’est avec grand plaisir que le Théâtre de Recherche Le Contre-Courant vous invite à venir partager la première étape de création de cette grande aventure épique. Aucunement subventionné, ce projet repose entièrement sur l’enthousiasme de l’équipe, provenant majoritairement du nouveau baccalauréat en théâtre de l’Université Laval, et de la générosité des gens qui croient en la démarche du Contre-Courant.
Du 24 au 28 mai 2005, à 20h, et le 29 mai, à 14h, au studio de création Marc-Doré du Théâtre Périscope
Textes « Gilgamesh » de Michel Garneau
Adaptation et mise en scène Richard Nieoczym, assisté de Nicole Champagne
Avec Jean-Marie Alexandre, Tommy Bélanger, Mireille Camier, Isabelle Caron, Nicole Champagne, Marianne Gagnon, Julie-Anne Leblanc, Mélody Minville, Luc Vallée
Scénographie Richard Nieoczym et Monia Routhier
Costumes Dominique Deblois et Marianne Gagnon
Éclairage Richard Nieoczym et Marie Rondeau
Musique Nicole ChampagneAdulte 18 $
Ami du Contre-Courant 15 $
Étudiant 12 $ / frais de service en sus
par Magali Paquin
Présentée quelques jours au Théâtre Périscope pour clore le mois de mai, la première étape de création de « L’épopée de Gilgamesh » se présente comme particulièrement invitante malgré ses quelques faiblesses. Le théâtre de recherche Le Contre-Courant, en collaboration avec le théâtre Loco Motiv, sont les instigateurs de ce projet assurément pas banal, voire particulièrement étonnant.
La quête de Gilgamesh est celle de l’immortalité ; de la nudité du jardin originel au complet veston contemporain, l’homme se fraiera un chemin entre les animaux, les hommes et les femmes en tentant d’éviter la mort, que ce soit celle du corps ou de l’âme. Extrêmement physique et charnelle, bestiale même, l’épopée de Gilgamesh impose les primats du corps et des instincts sauvages. L’érotisme y est omniprésent dans les regards comme les rythmes corporels, la féminité se voit adulée, la sensualité s’éprend de tout. Aux corps couverts de sueur et aux respirations haletantes par l’effort physique du jeu, se joignent de nombreux chants, ainsi que de la musique au style s’adaptant au temps qui passe. Et puis le texte, bien sûr, écrit par Michel Garneau, qui se glisse et s’imprègne dans les gestes et les mouvements, comme si les mots étaient beaucoup plus que de simples sons. Dans un décor féerique où les arbres portent des fruits et des étoiles, où ça sent bon le cèdre, où des animaux magnifiquement masqués vagabondent en se palpant lubriquement et où dieux et mortels se côtoient, l’on est invité à partager les mystères et merveilles d’un monde qui demeure malgré tout très humain.
Dans le petit studio de création Marc-Doré du théâtre Périscope, la mise en place n’était pas toujours idéale pour un tel type de spectacle. Les spectateurs des dernières rangées ne pouvaient profiter adéquatement de l’action se situant au ras du sol, situation d’autant plus décevante qu’il semblait s’y dérouler bien des choses intéressantes. Les éclairages, majoritairement tamisés et sombres, créent bien sûr une atmosphère semi-fantastique, mais rendent encore plus lourdes les quelques longueurs de la pièce. Malgré ces quelques lacunes, le rythme imposé par le metteur en scène Richard Nieoczym, directeur artistique du théâtre LeTHAL de Toronto, ne laisse aucun répit aux comédiens. Ceux-ci sont issus majoritairement du programme d’études théâtrales de l’Université Laval ; si certains se démarquent assurément de façon positive, le jeu de certains autres est malheureusement beaucoup moins convaincant. La distribution inégale mine quelque peu la qualité globale de la pièce, qui souffre aussi parfois d’un mauvais arrimage entre un jeu de style classique et un bon vieil accent québécois.
Malgré ces faiblesses, « L’épopée de Gilgamesh » possède incontestablement un énorme potentiel. Si ce n’est que par l’importance accordée au corps et par l’énergie incroyable, la promiscuité et l’audace qu’elle exige des comédiens, cette pièce se démarque grandement du théâtre tel qu’il se fait habituellement. Ne reste plus qu’à espérer les autres étapes de ce surprenant projet!
29-05-05