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Mois Multi 2019 - 26 janvier 2019, 19h, 27 janvier 15h
Dès 12 ans
Primeur // Spectacle de manipulation de sons et d'objets

Habile manipulateur de sons et d’objets, grand orfèvre de l’image, le metteur en scène et interprète Julien Mellano est un créateur d’expériences multidisciplinaires étonnantes. Combinant avec ruse le bricolage en direct, les effets spéciaux de poche et le détournement d’objets, démontrant un amour manifeste pour l’interprétation, il livre ici Ersatz, une vision librement fantasmée du genre humain du futur. Dans ce solo sans parole, situé entre performance amusante et farce dérangeante, Julien Mellano incarne, sous nos yeux fascinés, un étrange spécimen, mi-homme mi-machine, qui semble avoir subi les conséquences d’une révolution technologique pas tout à fait terminée… Il invite les spectateurs dans un jeu de piste drôle et mystérieux où l’absurde et le miracle se rencontrent, dessinant une intrigante, voire inquiétante projection de l’humanité. Avec l’exactitude de l’alchimiste, l’artiste se saisit des symboles. Il construit ainsi une narrativité fondée sur l’image et l’étrange. Julien Mellano jette un regard très juste et plein d’humour sur l’aventure que nous réserve l’avenir, en prenant assise sur les origines de notre nature profonde. Ersatz est un mystifiant face-à-face entre l’humain et l’objet, qui entraîne une nécessaire réflexion autour des questions soulevées par l’idéologie transhumaniste, l’intelligence artificielle et autres singularités technologiques.

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Conception et interprétation : Julien Mellano

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Proposer au public de Québec des créations hors-normes est l’une des missions du Mois Multi ; la programmation jeunesse ne fait certainement pas exception. C'est pourquoi la commissaire Laurence Lafaille tenait absolument à présenter Ersatz, cet O.T.N.I. (objet théâtral non identifié) du Français Julien Mellano et du Collectif Aïe Aïe Aîe. Difficile de traduire en mots l’impression générale qui se dégage d’Ersatz ; essayons tout de même, puisque c’est notre métier, de se prêter au jeu, sans pour autant tout dévoiler des multiples surprises du spectacle.

D’abord, le titre. Ersatz, qui vient de l’allemand, fut introduit dans la langue française seulement au début du 20e siècle. On pourrait le traduire littéralement par « produit de remplacement ». Creusons un peu plus. C’est du côté de la philosophie que l’on pourrait trouver d’autres réponses. Un ersatz est un élément « représentatif d’un tout, mais qui n’est pas significatif de ce tout ». C’est un détail qui n’a aucune crédibilité, car il fait relativement abstraction d’un tout duquel il est extirpé. En d’autres termes, peut-être, c’est une tentative de comprendre un monde à partir d’un seul élément.

Une entité biologique, que l’on pourrait qualifier après quelques minutes d’observation de mi-homme, mi-machine, est assise derrière une table lumineuse légèrement penchée vers le public. Autour de l'homme, trois carrés sur pied, diffusant une lumière plutôt crue, l’éclairent. Si, d’emblée, il bouge peu, chaque geste, chaque mouvement de paupière ou de cou entraine un son mécanique produit par l’acteur grâce à un micro scotché à l’intérieur de sa bouche. Devant lui : un os, qui ressemble à un fémur, et des fragments d’un objet indéterminé. L’homme devient alors une sorte de chercheur, un défricheur (comme le symbolise sa chemise à carreaux), voire un archéologue d’une humanité visiblement éteinte. Grâce à un livre, des bouts de carton et de multiples cutters qu’il perd à chaque utilisation, il triture, reformate, traduit, recrée. Il réussit à se plonger dans des réalités virtuelles – jungle, campagne, discothèque, qu’il quitte d’un mouvement de la main – grâce à un masque ou des lunettes de type Google Cardboard. L’expérience peut s’avérer douce comme désastreuse, allant jusqu’à la surstimulation. Ce qu’il y voit n’est traduit que par du bruitage : le son est ainsi le seul lien qui unit le spectateur et les images perçus par l’androïde. C’est alors l’imagination du public qui fait tout le travail, mais elle est récompensée par l’ingéniosité exceptionnelle et le talent de bricoleur de Mellano. Il est stupéfiant de voir tous ces morceaux qu’il découpe ou qu’il trouve s’assembler presque magiquement grâce à de petits aimants cachés dans les fragments cartonnés, formant alors, par modélisation 3D, un objet reconnaissable.

Ersatz, pratiquement sans paroles, n’offre que peu de clés de compréhension : le spectateur ne peut être que fasciné par cet être qui refaçonne, d’une certaine manière, la réalité. Jusqu’au long dénouement, véritable hommage à un film de science-fiction emblématique, qui vient consolider cette impression de régression qui traverse toute la pièce, de la technologie à l’animalité.

Véritable réflexion ludique sur le transhumanisme et projection d’un possible futur plutôt étrange et saisissant, la pièce n’est certes pas qu’un simple ersatz dans le monde du théâtre – jeunesse ou non – ; c’est un morceau rare, une gemme dans son genre, brillant et audacieux.

27-01-2019

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