Du 20 juillet au 14 août 2010
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Fonds de tiroirInes Pérée Inat Tendu

Texte : Réjean Ducharme
Mise en scène de Frédéric Dubois
Avec Sylvio Arriola, Véronique Côté, Jonathan Gagnon, Steve Gagnon, Catherine Larochelle, France LaRochelle, Édith Patenaude

INES PÉRÉE INAT TENDU est le périple de deux orphelins en quête d’une place sur la terre. Ils viennent avec leur idée, une en forme de violon et l’autre de papillon. Ils ont couru, se sont fatigués. Ils ont navigué et n’ont pas encore trouvé. Ils cherchent à qui qui mieux mieux. Entre une vétérinaire pleine de poux, une soeur et son matou, un médecin fou et un gourou, leur cœur balance. Mais le siècle où ils se sont déposés est le seul coupable.
Les adopterez-vous?

Assistance et régie: Adèle Saint-Amand
Scénographie : Frédéric Dubois
Costumes : Yasmina Giguère
Musique : Pascal Robitaille
Lumières : Denis Guérette
Direction de production : Julie Marie Bourgeois
Direction technique : François Leclerc

Une production Théâtre des Fonds de tiroirs

Salle Multi de Méduse (Premier Acte)
541, Saint-Vallier Est
Billetterie : Réseau Billetech 418-643-8131

de Sylvie Isabelle

Fondé en 1997, le Théâtre des Fonds de Tiroirs a pris l’habitude au cours des dernières années de nous servir du théâtre d’été à sa manière : jamais vainement burlesque, parfois tragique, mais toujours résolument festif. Au fil des années, la troupe a été le berceau de multiples talents dont nous avons suivi l’évolution avec intérêt et plaisir. Cette année, et ce, jusqu’au 14 août, le TFT nous offre Ines Pérée et Inat Tendu de Réjean Ducharme.

C’est la deuxième fois que Frédéric Dubois, le metteur en scène de la troupe, se frotte à Ducharme : il lui aura fallu un peu plus de 10 ans pour s’y réattaquer, après avoir mis en scène de brillante façon le Cid maghané, en 1999. Il est donc en territoire familier, entouré de Pascal Robitaille à la conception sonore, et de ses comédiens fétiches : Catherine Larochelle dans le rôle d’Ines, Jonathan Gagnon, Sylvio Arriola, Véronique Côté et France LaRochelle. La distribution est complétée par Édith Patenaude, et par Steve Gagnon dans le rôle d’Inat.

D’emblée, répondons à la question qui brûle les lèvres : s’agit-il encore d’un coup de génie des Fonds de Tiroirs, dont on se souviendra longtemps? Malheureusement, la réponse est non, bien que plusieurs éléments soient réunis pour en faire une excellente pièce. Frédéric Dubois signe une mise en scène honnête, mais, étrangement, il semble plus à l’aise lorsqu’il doit occuper de grands espaces ou encore composer avec les imprévus d’une mise en scène extérieure. Toutefois, de brillantes trouvailles parsèment la pièce : comme à l’habitude avec le TFT, les spectateurs se doivent d’ouvrir bien grands les yeux, car on ne nous sert pas nécessairement tout sur un plateau d’argent. La scène finale est à elle seule digne de mention : Dubois réussit, encore une fois, à faire fi des conventions; il passe outre la distance entre les comédiens et le public et nous offre une finale des plus touchantes.

On ne peut par contre nier que Dubois s’est déjà forgé à ce stade de sa jeune carrière un style aussi distinctif que peut l’être celui de Michel Tremblay. On le reconnaît facilement à travers le jeu de son équipe : si les mots sont définitivement de Ducharme, la façon de les déclamer est définitivement de Dubois. Tous les comédiens composent des personnages typés et bien définis, en quête d’amour et de reconnaissance, des thèmes récurrents chez Dubois.

Il s’en est fallu de peu par contre pour que la distribution reçoive un bémol à cette note parfaite : lorsqu’Édith Patenaude arrive sur scène, ceux qui auront vu 5 filles avec la même robe, soit à Premier Acte ou encore au Théâtre la Fenière, auront l’impression de voir exactement le même personnage en action. Le jeu est identique, les intonations et la voix également. Il faut dire qu’Édith Patenaude a une voix caractéristique qui la démarque de toutes les comédiennes : or, c’est justement cette voix qui sauve sa performance. Lorsqu’elle se met à chanter, on ne peut qu’être séduit, et on en redemande. Il y a fort à parier que ce talent sera exploité à nouveau par le TFT qui a fait de la musique une autre de ses marques de commerce.

Arme à double tranchant, le caractère unique de la langue de Ducharme peut devenir un obstacle pour certains : la pièce s’adresse davantage à des amateurs avertis ou à des amoureux de la langue qui ne se laisseront pas démonter par un discours un peu difficile à suivre. Cela rend d’autant plus remarquable le jeu des comédiens qui virevoltent avec aisance tout au long de leur texte, sans aucun faux pas.

Enfin, il est intéressant de souligner que le Théâtre des Fonds de Tiroirs a confié la réalisation de la plateforme graphique de Ines et Inat à l’agence de publicité Lg2, comme elle l’avait fait lors de sa dernière mouture de Vie et Mort du Roi Boiteux, présenté à Montréal l’an dernier. Cela donne des affiches et des t-shirts à vendre à l’entrée des salles, mais aussi une exploitation des réseaux sociaux comme Facebook, et des capsules promo des pièces, diffusées entre autres sur YouTube.

Bref, même si Ines Pérée Inat Tendu n’est pas la pièce de l’été, le public de Québec y sera certainement fidèle puisqu’un été sans le TFT, c’est n’est plus un été!

04-08-2010

de Sophie Vaillancourt Léonard

Choisir de présenter « Ines Pérée Inat Tendu » de Réjean Ducharme n’est pas une mince affaire; il n’est pas donné à tout le monde de savoir mettre en bouche la poésie de Ducharme. C’est pourtant ce que le Théâtre des Fonds de Tiroirs, sous la direction de Frédéric Dubois, a décidé de faire. Et avec brio.

C’est au haut de l’escalier de la Côte Sainte-Geneviève, menant au studio d'essai de la coopérative Méduse, que les spectateurs étaient invités à attendre le début du spectacle. À 19h précise sont arrivés, plus colorés les uns que les autres, sept des huit personnages de la pièce de Ducharme, invitant le public à descendre jusqu’à l’endroit où leur serait présenté, pendant 2h15 sans pause, l’histoire d’Ines et Inat. Encore aujourd’hui je me demande l’utilité d’un tel préambule, si ce n’est que de créer un lien plus direct entre les personnages et ceux qui sont venus les voir. Toutefois, ce type de lien n’étant récupéré qu’à la fin, mon questionnement sur son utilité demeure.

Sitôt entré en salle, le public se sent enveloppé et concerné par cet espace dans lequel il entre. On l’y invite pour lui montrer quelque chose que ceux de l’extérieur ne verront pas. On l’y invite pour partager avec lui un refus, un cri de rage contre ce siècle dans lequel on vit (« Dire NON à ceux qui nous manipulent. À ce qui nous fait peur, ce qui paralyse : la matérialisation de nos aspirations et de nos AMBITIONS COLLECTIVES… » comme l’inscrit Frédéric Dubois dans le programme). Après une danse frénétique sur de la musique électronique, les personnages s’éclipsent et la magie opère.

Le studio d’essai de la coopérative Méduse sera utilisé à son plein potentiel; les portes d’entrées et de sorties, les escaliers, les télévisions de surveillance intérieure et extérieure nous donnent accès à tout. L’arrière-scène est quasi inexistante. Frédéric Dubois réussit ici un tour de force en donnant toute la place au texte sans toutefois en édulcorer la mise en scène : le coup de fouet textuel est aussi efficace que la manière dont il est présenté.

Et si la pièce de Réjean Ducharme est un défi à présenter, elle l’est aussi au niveau interprétation. Et c’est ici que le charme fait son œuvre. Les sept comédiens (le rôle de Pierre-Pierre Pierre et de Mario Escalope étant tenu par un seul d’entre eux) sont au sommet de leur art. Malgré quelques petits accrochages bien compréhensibles en ce soir de première, l’énergie demeure à son paroxysme du début à la fin et le texte, parfois extrêmement difficile à livrer, est fait de manière impeccable. Coup de chapeau plus précisément à Catherine Larochelle qui nous offre une interprétation sans faille d’une Ines plus forte et émouvante que jamais et à Véronique Côté qui fait de Sœur-Sainte-New-York-des-Ronds-d’eau l’un des personnages les plus attendus.

Présenté jusqu’au 14 août, il ne reste plus qu’à souhaiter bonne continuation à l’équipe du Théâtre des Fonds de Tiroirs, qui nous livre les personnages de Réjean Ducharme de manière bouleversante et remarquable. Un spectacle duquel il est impossible de sortir indemne.

21-07-2010

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