Du 3 au 28 mars 2009
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L'asile de la pureté

Texte de Claude Gauvreau
Mise en scène de Martin Faucher
Avec Bertrand Alain, Marie-Josée Bastien, Normand Bissonnette, Frédéric Bouffard, Éva Daigle, Hugues Frenette, Steve Gagnon, Véronika Makdissi-Warren, Jean-Sébastien Ouellette, Réjean Vallée, Marjorie Vaillancourt

Au sein d’un milieu cynique et désabusé, Donatien Marcassilar, jeune poète en quête d’idéaux, entreprend un jeûne pour honorer la mémoire de sa muse, qui vient de mourir. À son chevet, défile une galerie de personnages dignes des plus grands films de Fellini. Pour des motifs personnels, certains tentent de le convaincre de cesser sa grève de la faim, alors que d’autres approuvent et vénèrent son choix et l’encouragent à persévérer dans son projet. Pièce sur la mesquinerie, la lâcheté et l’intégrité de la passion, elle nous amène à se demander: jusqu’où peut-on aller sans trahir nos idéaux? Cinquante-cinq ans après sa création, L’Asile de la pureté n’a rien perdu de sa pertinence.

Dans un monde où l’argent, le travail et la consommation à outrance sont des valeurs absolues, les propos de ce grand artiste qu’est Claude Gauvreau nous semblent plus actuels que jamais. Émule de Borduas, signataire du Refus Global, Gauvreau est un des auteurs importants du Québec. Poète et dramaturge, il laisse une œuvre immense qui reflète un engagement total pour son art, sa lutte et sa vision de l’existence.

Éclairages: Sonoyo Nishikawa
Musique: Marc Vallée
Assistance à la mise en scène: Hélène Rheault

Trident - Grand Théâtre de Québec
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

par Isabelle Girouard

C’est la première fois que l’auteur québécois est monté à la scène du Trident. Applaudissons cette initiative de Martin Faucher, qui d’ailleurs n’en est pas à sa première mise en scène de l’Asile de la pureté : celle-ci est directement issue de la production étudiante qu’il a dirigée à l’École Nationale de Théâtre, à l'automne 2005.

Il vaut la peine de s’arrêter quelques instants pour faire connaissance de cet auteur québécois issu du mouvement Automatiste. Claude Gauvreau nait à Montréal en 1925 et devient vite défenseur des revendications artistiques de son époque. Il fera la connaissance de Paul-Émile Borduas et sera signataire du Manifeste du Refus Global en 1948.  Le suicide de la comédienne Muriel Guilbault en 1952, sa muse, bouleversera l’artiste et toute la suite de son œuvre. Écrivain, poète, dramaturge, journaliste, critique, Gauvreau explore un nouveau langage, marquant ainsi son passage dans l’histoire de la littérature québécoise.  Il s’éteint le 9 juillet 1971, à la suite d’une chute du toit de l’immeuble où il habite. Ce monument de la littérature québécoise nous lègue des œuvres théâtrales subversives, empreintes d’un nouveau langage, comme La charge de l’orignal épormyable (1956) et Les oranges sont vertes (1958-1970). L’Asile de la pureté, écrite l’année suivant la mort de Guilbault, est reconnue pour avoir été un exutoire à sa peine.

La pièce s’ouvre sur le fameux poème Speak White de Michèle Lalonde, écrit en 1968 en réponse à la liberté d’expression des Québécois contre le colonialisme anglais et l’impérialisme. Cette introduction électrisante donnera le ton aux deux heures de représentation qui suivront.  L’écrivain Donation Marcassilar se jure d’honorer la mémoire de son amour suicidé, la comédienne Édith Ruel, en refusant de se nourrir. Ce geste éperdu suscite tout un émoi pour l’entourage du poète : scandale, envie, admiration, irritation, inquiétude, bref, personne ne peut rester indifférent à Donatien Marcassilar, dont la renommée varie au goût du jour.  Mais la quête d’idéal de l’écrivain inconsolable est incertaine dans ce monde étrange de Gauvreau où tous semblent vouloir tirer profit de la situation, où les fantasmes se confondent avec la réalité. 

Au cœur de cette écriture parfois incompréhensible, il peut être ardu de trouver pied ferme, comme l’ont démontré quelques spectateurs ayant quitté la représentation avant la fin.  Mais Faucher ne s’est certainement pas trompé et se fait merveilleux guide dans ce grand voyage qu’est L’Asile de la pureté. Nous saurons d’ailleurs peut-être bien reconnaître notre société contemporaine où tout est récupéré, transformé et utilisé à des fins de profits immédiats.  Faucher nous plonge avec hilarité dans ce monde grotesque de faux-semblant et d’illusion.

À voir absolument.

11-03-2009

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