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6 avril 2015, 20h
ClaudeLe journal d'Anne Frank
Texte Eric-Emmanuel Schmitt d'après Le Journal d'Anne Frank
Mise en scène Lorraine Pintal
Avec Mylène St-Sauveur, Paul Doucet, Sophie Prégent, Jacques Girard, Marie-France Lambert, Marie-Hélène Thibault, Kasia Malinowska, Sébastien Dodge et Benoît Drouin-Germain

Ce n’est pas sans raisons qu’Eric-Emmanuel Schmitt est l’auteur vivant le plus joué dans le monde : il possède un unique talent pour aborder les grandes questions de notre temps à travers des fictions limpides où l’humour fait ressortir la dimension profonde – voire tragique – des sujets qu’il aborde. Dans cette émouvante mise en théâtre du destin d’Anne Frank, non seulement il arrive à montrer par de petits détails quotidiens toute l’abjection du génocide des Juifs par les nazis, mais il amplifie son propos en poursuivant sa réflexion – après Freud, Mozart et Diderot – sur le rôle des génies comme révélateurs des forces cachées sous les apparences.

Amsterdam, 1942. Anne Frank a treize ans. Pour échapper aux persécutions qui frappent les Juifs, la famille d’Anne et la famille Van Pels se cachent dans un appartement secret, surnommé l’Annexe, jusqu’à ce qu’on les dénonce et les envoie dans les camps de la mort. La pièce commence après la guerre, lorsque le père d’Anne, seul survivant de la famille, se voit remettre le journal intime de sa fille; bouleversé par sa lecture, il revit à travers les yeux d’Anne ses années de clandestinité. Lorraine Pintal a rassemblé une prestigieuse distribution dont la toute jeune Mylène St-Sauveur qui, dans le rôle d’Anne, fera ses débuts à la scène!


Musique Jorane
Co-conception et réalisation des projections vidéo Turbine Studio
Éclairages et co-conception des projections vidéos Erwann Bernard
Scénographie Danièle Lévesque
Maquillage Jacques-Lee Pelletier
Costumes Marc Senécal
Assistance à la mise en scène Bethzaïda Thomas
Crédit photo Jean-François Gratton

2h sans entracte

Prix courants (sujet à changement)

Parterre 51,50$
Corbeille 51,50$
Balcon 51,50$
Handicapé 51,50$
Étudiant 28,50$

Forfaits souper-spectacle et hébergement disponibles.

Une production Spectra Musique en collaboration avec Théâtre du Nouveau Monde et Didier Morissonneau


Salle Albert-Rousseau
2410, chemin Ste-Foy
Billetterie : 418-659-6710 - 1-877-659-6710

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Dates antérieures (entre autres)

Du 13 janvier au 7 février 2015, TNM

 
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 Critique
Critique
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par Geneviève Germain


Crédit photo : Yves Renaud

Anne Frank est probablement l’écrivaine adolescente la plus connue au monde. Son journal décrit sa vie et celle de sept autres membres de sa famille et amis en pleine Deuxième Guerre mondiale alors qu’ils ont dû cohabiter dans les noirceurs d’un haut d’immeuble pendant deux ans pour tenter d’échapper aux déportations vers les camps nazis. Le père d’Anne a fait publier le journal de sa fille quelques années après la guerre, lequel fut traduit en plus de 70 langues et distribué à plus de 30 millions d’exemplaires.  Son histoire a fait l’objet de nombreuses adaptations au fil des ans, mais l’auteur Éric-Emmanuel Schmitt (Le Visiteur, Oscar et la Dame rose) s’est  vu confier cette nouvelle adaptation directement par les historiens de la maison d’Anne Frank à Amsterdam. D’abord montée à Paris en 2011, la pièce réussit à offrir une nouvelle perspective en utilisant le personnage du père, Otto Frank, comme point central du récit.

La pièce débute après la guerre alors qu’Otto Frank (Paul Doucet) est de retour à Amsterdam après avoir survécu aux camps de concentration. Il se rend tous les jours à la station de train dans l’espoir d’y retrouver ses filles, Anne et Margot, toujours portées disparues. Après avoir appris qu’elles étaient toutes deux mortes du typhus au camp de Bergen-Belsen, sa secrétaire et amie Miep Gies (Sophie Prégent) lui remet le journal d’Anne qu’elle avait soigneusement conservé suite à leur déportation. L’homme découvre les souvenirs transposés sur papier par sa fille alors qu’ils vivaient enfermés dans l’annexe d’un immeuble grâce à la complicité de Miep. La pièce redonne vie à Anne (Mylène St-Sauveur) et aux sept autres habitants de cette annexe au fil de la lecture du journal par Otto, misant sur l’humour de l’adolescente, son développement en tant que jeune femme ainsi que ses réflexions sur elle-même, sur sa famille et sur ses colocataires qu’elle côtoie étroitement.


Crédit photo : Yves Renaud

La scénographie de Danièle Lévesque exploite habilement ce double temps dans lequel se déroule l’action. Au premier niveau évoluent Otto et Miep après la guerre, alors qu’à l’étage se dévoile le récit du journal d’Anne. Le décor est épuré, contemporain, et ne contient que peu d’objets, poussant l'auditoire à imaginer cette annexe dans laquelle chacun tentait de cohabiter aussi bien que possible.  Des projections d’images d’archives sur un écran poreux permettent de situer l’action en évoquant l’inquiétante menace de la guerre. L’écran permet aussi de transposer l’action à la gare alors qu’Otto brandit une valise sur laquelle sont inscrits les noms de ses filles et qu’un personnage illustré par une ombre démesurée s’adresse  à lui pour annoncer le destin tragique d’Anne et de Margot. La grande force de la mise en scène de Lorraine Pintal est d’ailleurs cette fluidité dans l’action, malgré le double récit qui se déroule et une émotion qui est toujours respectueuse de l’histoire, tant dans la sensibilité du jeu d’acteur que dans le choix d’évoquer certains événements avec sobriété. Dans une scène émouvante, les huit habitants de l’annexe se livrent aux forces allemandes les bras en l’air et demeurent ainsi alignés sur les marches, complètement immobiles, pendant de longs instants, avant de s’avancer un à la fois alors que les circonstances de leur mort sont dévoilées, arrachant l’étoile cousue à leurs manteaux pour la laisser retomber au sol. Le tout est rendu avec une grande sensibilité. La musique riche en cordes de Jorane ajoute également à la douceur de l’atmosphère de la pièce.


Crédit photo : Yves Renaud

Dans son premier grand rôle au théâtre, Mylène St-Sauveur incarne avec intensité et candeur cette Anne enjouée et opiniâtre, tandis que Paul Doucet joue avec une juste retenue un Otto Frank qui démontre une force tranquille hors du commun. Sophie Prégent dans le rôle de Miep Gies réussit à laisser transparaître l’incroyable générosité de cette femme malgré sa droiture. Le texte d’Éric-Emmanuel Schmitt a d’ailleurs cette habileté de faire ressortir les traits distincts de chacun des personnages qu’Anne Frank avait longuement décrits dans son journal. Par son choix d’extraits et d’habiles dialogues, il dépeint l’univers de l’adolescente avec beaucoup d’humanité. Les pointes d’humour permettent de découvrir le caractère exubérant d’Augusta (Marie-Hélène Thibault), mais aussi les conditions de vie difficiles auxquelles les résidants de l’annexe devaient se soumettre, par exemple lorsque la mère d’Anne (Marie-France Lambert) et Augusta hésitent entre une recette de patates et de rutabaga, ou encore une recette de rutabaga et de patates. L’auteur réussit également à transmettre ce discours sans nuance propre à l’adolescence, comme lorsqu’Anne affirme n’éprouver aucun amour pour sa mère.

Grâce à l’humanité du texte et à la sensibilité de la mise en scène, le Théâtre du Nouveau Monde offre avec Le Journal d’Anne Frank un hommage puissant et sensible à cette jeune adolescente dont le destin tragique demeure toujours aussi poignant plus de 70 ans après son décès.

19-01-2015