FTA 2010 - Ciels

Texte et mise en scène : Wajdi Mouawad

Critique de Olivier Dumas

Dire que les attentes étaient grandes, voire démesurées, pour Ciels de Wajdi Mouawad relève de l’évidence. Dernier volet de la tétralogie Le sang des promesses, ce spectacle succède à Littoral, Incendies et Forêts qui ont presque fait l’unanimité lors de leurs différentes présentations à Montréal. Or, Ciels constitue à mes yeux une très grande déception.

Voulant faire table rase de ses thèmes de prédilection comme le passé, l’exil ou la transmission d’un héritage lourd à assumer, le dramaturge et metteur en scène libano-québécois s’inspire d’œuvres à la mode, comme Da Vinci Code, pour nous concocter une histoire emberlificotée sur le terrorisme international. Agents de l’antenne francophone d’une cellule antiterroriste mondiale, quatre hommes et une femme sont tenus à l’isolement volontaire afin de décrypter des messages codés présageant des attentats en préparation dans plusieurs capitales de la planète.

Malgré ce fil conducteur intriguant, Wajdi Mouawad insuffle peu de la passion, de l’éclat ou de la ferveur qui ont conduit ses créations précédentes à des sommets d’intensité. Quelques mots simples ou images évocatrices mariaient des souffrances intimes aux tragédies universelles. Ici, il renchérit avec une histoire infanticide, un ton moralisateur sur le devoir de désobéissance et sur la beauté de l’art qui doit enrayer les malheurs et laideurs du monde. Heureusement, les scènes projetées sur écran avec le garçon de l’un des protagonistes apportent des moments d’humour et de spontanéité qui auraient été appréciés ailleurs dans ce marathon de deux heures trente sans entracte, alors que les spectateurs doivent rester assis sur des tabourets inconfortables.

La conception sonore demeure d’une redoutable efficacité, saisissante pour représenter des attentats meurtriers. Bien qu’esthétiquement impeccables, les projections vidéos tombent parfois dans la démonstration trop appuyée (par exemple, les lettres des poèmes évoquant des flocons de neige). On aurait espéré une fusion plus ludique, plus émouvante entre science, technologie et poésie.

La distribution composée majoritairement d’acteurs européens (soulignons au passage la prestation sensible du Québécois Gabriel Arcand par vidéo) s’en tire relativement bien. Leur jeu rappelle celui présent dans les séries télévisées comme Les espions. Oscillant entre la froideur et des excès grandiloquents, il empêche toutefois le public d’adhérer à des situations autrement plus prenantes et plus poignantes.

En résumé, des moyens techniques impressionnants ne parviennent pas toujours à nous ébranler et à faire ressentir les bouleversements d’une guerre, d’un bombardement ou de toute autre tragédie humaine. Il manque à ce Ciels la fulgurance d’une parole incarnée et la douloureuse lucidité sur la condition humaine qui ont marqué l’écriture, la réflexion et la pertinence du théâtre de Wajdi Mouawad.

09-06-2010