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CARREFOUR 2019
Paris
Théâtre
Du 5 au 7 juin 2019, 19h, 8 juin 14h
Tous publics à partir de 8 ans
En français

Joël Pommerat est l’un des plus grands artistes du théâtre français. Il crée des œuvres infusées d’une sensibilité et d’une intelligence exceptionnelles qui éblouissent, bouleversent et font rêver les publics de tous les âges. Adaptation du célèbre conte pour enfants, son Pinocchio librement réinventé retrouve le souffle ténébreux de l’œuvre initiale achevée en 1883 par Carlo Collodi.

À peine sorti du tronc d’arbre dans lequel il a été sculpté, Pinocchio, candide pantin de bois, est déjà d’une insolence exaspérante. Courant au-devant des catastrophes, il est rapidement confronté à une foule d’aventures et d’épreuves périlleuses qui l’amèneront peu à peu à se métamorphoser. Grâce au soutien et à la bonté de la fée, à la patience et à l’amour inconditionnel de son père, puis surtout à force d’expériences et d’efforts, Pinocchio se transforme pour finalement devenir un être de chair, un véritable petit garçon.

Opposant l’imaginaire affable de l’enfance à la dureté des « grandes personnes », Pinocchio joue des contrastes entre l’austérité du réel et les artifices de la fantasmagorie. Sombre et lumineux, magique et moral, drôle et inquiétant, le spectacle étreint certains des aspects les plus cruels mais aussi les plus tendres de la nature et de l’existence humaines.

Dans ce théâtre fabuleux, tout est cohérent et serti d’ingéniosité. Masques, théâtre d’ombre, voilage, éclairages et multiples effets poétiques donnent à l’objet scénique une dimension presque cinématographique et participent à créer une œuvre follement féérique d’où émane tout le prodigieux génie de Pommerat.

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Texte et mise en scène Joël Pommerat
Interprétation Myriam Assouline, Pierre Chapalain, Daniel Dubois, Maya Vignando

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Grâce au Carrefour, Québec aura droit au dernier tour de piste du Pinocchio de Joël Pommerat, projet qui a vu le jour en mars 2008 à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. La pièce fait partie d’une trilogie (officielle ou officieuse) où l’auteur et metteur en scène français s’amuse à triturer certains contes de notre enfance - les autres titres sont Le Petit Chaperon rouge (Les coups de théâtre 2008) et Cendrillon (Carrefour 2016). Pommerat connaît bien Québec, encore plus La Bordée puisqu’il y présente un quatrième spectacle en carrière.

Le pauvre vieux Geppeto, seul dans sa chaumière à trembler de froid, sort parfois dialoguer avec un arbre. Mais l’arbre, chétif, se casse, un soir de mauvais temps. Au lieu de le brûler, l’homme use de tous ses talents pour créer un pantin. Une marionnette douée de la parole, mais d’une arrogance exceptionnelle. Il n’accepte pas sa situation précaire, et, malgré les nombreux conseils de son père (doux et affable Daniel Dubois) et d’une fée marraine (féérique Maya Vignando), Pinocchio accumule mauvais choix sur mauvais choix, ne tirant aucune leçon d’eux, ce qui le précipite dans des situations exceptionnelles aux conséquences désastreuses – il se fait voler, se fait emprisonner bien qu’il soit innocent, se voit pendu à un arbre, se transforme en âne et se fait enrôler dans un cirque et se faire engloutir par un monstre marin.

...cette relecture parfois sombre et cruelle de Pinocchio confirme, si ce ne l’était déjà fait, le succès et le talent de Joël Pommerat.

Avec cynisme et ironie, Pommerat décortique le roman feuilleton de Collodi – sans pour autant la dénaturer – pour le plonger dans un théâtre du fabuleux, dans lequel il se fond à merveille. Pommerat n’édulcore aucune scène, aucune situation : on se permet de crier, d’intimider, d’effrayer. Il grossit, il amplifie : l’arrogance de Pinocchio, tel un enfant roi, est difficilement supportable. Pourtant, cet être sans jugeote, au caractère bien trempé, mais naïf à souhait et prévisible, finit par devenir attachant, grâce au superbe jeu de Myriam Assouline. Comme pour Cendrillon, la plupart des scènes sont baignées dans une certaine obscurité, rappelant toujours le côté onirique, mais aussi cruel du conte. Pierre-Yves Chapalain incarne avec force le narrateur : tête rasée, bedonnant, à la peau blanche, on est loin de Jiminy Cricket de Disney. Il nous promet d’abord de ne jamais mentir ; de toujours dire la vérité. Mais quelle vérité, exactement ? Si l’histoire est jouée, peut-elle alors être « vraie », malgré tous ses artifices ? Pommerat use ainsi de toutes les illusions possibles – mannequins, jeux d’ombres et de lumière, changements de décor lors de transitions au noir ou derrière de nombreux rideaux tirés, laser imitant la mer – pour creuser, explorer la thématique de la vérité au théâtre.  

Par contre, l’auteur et metteur en scène semble avoir un peu plus de difficulté à se départir de la morale de l’histoire, celle qui martelait qu’il fallait être bon garçon, écouter ses parents et obéir, sans quoi mille malheurs s’abattraient sur nous. Elle se trouve partout dans le récit, mais on distingue difficilement ce que Pommerat veut en faire. Est-ce que l'école est la solution ? Légèrement effrayant, avec casque vissé sur la tête, peau blafarde et grand manteau cachant tout son corps, le pantin parfois grossier est appelé à l’école pour grandir et trouver un emploi. Mais même si Pinocchio prendra du temps à apprendre de ses erreurs, il le fera davantage au cours de ses péripéties, et non comme bon élève sur les bancs d’un établissement scolaire. Il le démontre à la fin, alors qu’il sauve son père du ventre de la baleine-requin où les deux s’étaient miraculeusement retrouvés et où Geppeto, mélancolique, voulait terminer ses jours. Après lui avoir promis de l’écouter, il lui désobéit pour ainsi retrouver la terre ferme. Peut-être fait-il alors la distinction entre les mensonges blancs et ceux qui heurtent et blessent. Peut-être que le discernement et le jugement peut être aussi important que la vérité.

Pièce annoncée pour 8 ans et plus (les plus jeunes pourraient être déstabilisés par la proposition), cette relecture parfois sombre et cruelle de Pinocchio confirme, si ce ne l’était déjà fait, le succès et le talent de Joël Pommerat.

05-06-2019

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