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Carrefour international de théâtre - 2 juin 2016, 19h et 4 juin 2016, 15h
Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni
(Nous partons pour ne plus vous donner de soucis)
Italien surtitré
Rome
Conception Daria Deflorian et Antonio Tagliarini (inspiré par une image du roman Le Justicier d’Athènes de Pétros Márkaris)
Avec Daria Deflorian, Monica Piseddu, Antonio Tagliarini et Valentino Villa

Le titre est une phrase extraite de la lettre laissée par quatre retraitées grecques, sans enfants – et sans chiens –, qui, en plein cœur de la crise économique, après avoir tout perdu, leurs retraites, leurs médecins, leurs assurances-médicaments, se sont enlevé la vie. L’anecdote est tirée du roman Le Justicier d’Athènes de l’auteur contemporain Pétros Márkaris; elle impose une image très forte qui constitue le point de départ et le matériau du spectacle.

Si la vieillesse et la mort semblent tisser le fil rouge qui relie les deux spectacles (Reality et Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni), la gravité du sujet est tranfigurée par la simplicité et la légèreté avec lesquelles il est parcouru, d’une façon ludique et avec beaucoup d’humour. À la manière d’une enquête, par un jeu de reconstruction qui évite la linéarité du récit, les créateurs imaginent, explorent et mettent en dialogue les vies des protagonistes, effectuant de constants allers-retours entre réel et fiction, répétition et représentation, acteur et personnage. À travers les paradoxes de ces cinq destins à la fois ordinaires et extraordinaires, c’est toute la beauté, la poésie et la force de la vie qui éclatent, en une touchante ode à l’inutile, au difficile, au temps qui passe, à la fragilité humaine.


Collaboration au projet Monica Piseddu et Valentino Villa
Lumières Gianni Staropoli,
Organisation Anna Pozzali
Accompagnement et diffusion internationale Francesca Corona Communication PAV
Photo Futura Tittaferrante

Durée 1h

En marge des spectacles :
Entretien avec les artistes, jeudi 2 juin

Achat à l'unité : 48$ ou 80$ en programme double**
* Taxes et frais de service inclus

** Reality et Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni : possibilité d'achat des deux en programme double.

Production A.D.
Coproduction Teatro di Roma, Romaeuropa 2013, 369gradi avec la collaboration du Festival Castel dei Mondi résidences de création Centrale Fies / Olinda / Angelo Mai Altrove Occupato / Percorsi Rialto / Fondazione Romaeuropa / Teatro Furio Camillo / Carrozzerie n.o.t.
En collaboration avec le Festival TransAmériques (FTA).


CarrefourThéâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne

 
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Critique

lire aussi la critique de Daphné Bathalon, publiée lors du FTA 2016

Les deux créateurs italiens Daria Deflorian et Antonio Tagliarini, après un passage remarqué au FTA 2016, s’amènent à Québec pour présenter leurs spectacles Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni (qui se traduit par « Nous partons pour ne plus vous donner de soucis ») ainsi que Reality. Deflorian et Tagliarini sont connus en Europe pour Rewind, un hommage à Pina Bausch, et From A to D and Back Again inspiré d’une œuvre d’Andy Warhol. Ce ne andiamo…, créée officiellement en novembre 2013, a remporté le prix Ubu (décerné par l’Union des théâtres de l’Europe) pour « innovation dramaturgique ».


Crédit photo : Futura Tittaferrante

La prémisse de cette pièce, qui pourrait s'apparenter dans sa forme à du théâtre-vérité, est le suicide collectif - et fictif - de quatre sexagénaires durant la terrible crise économique en Grèce, que l’on retrouve dans le roman Le Justicier d’Athènes de Pétros Márkaris. Le titre du spectacle est d’ailleurs tiré de la lettre que les femmes laissent derrière elles. Ce n’est pas par malheur ou tristesse qu’elles se sont enlevé la vie, mais pour « ne plus être un poids pour la société ».

Malgré qu'il revendiquent, dès le début, ce besoin – cette nécessité – de dire non, de laisser la place à la colère dans leur vie, c’est un sentiment d’impuissance flagrant qui émane de la proposition de Deflorian et Tagliarini. Le fait se confirme par les premiers mots de la conceptrice, qui, s’adressant au public, clame que la représentation n’aura pas lieu puisqu’ils ne sont pas prêts, n'ayant pas trouvé la manière d'aborder le sujet. Pourtant, ils ont travaillé, peut-être même trop ; c’est peut-être d’ailleurs pour cela que la pièce n'est pas « achevée ». Mais le sentiment ressenti par les deux hommes et deux femmes va bien au-delà du spectacle : les questions que la mort de ces quatre femmes fictives soulève au sein de la troupe ne se tarissent jamais durant la représentation. Chaque comédien entame alors une réflexion sur le fait de n’être absolument pas préparé : économiquement, d’abord, en écho à la crise grecque, à survenir à leurs besoins quand le moment viendra, puis artistiquement, doutant toujours d’eux, ou encore moralement. Par contre, les interprètes ne sombrent jamais dans le pathos : leurs propos sont peut-être parfois sans équivoque, parfois pessimistes, voire défaitistes, ils sont néanmoins teintés d’humour, rendant un peu moins noire la scène sur laquelle ils se trouvent.

Daria Deflorian, Monica Piseddu, Antonio Tagliarini et Valentino Villa n’ont que leurs corps pour défendre leurs monologues ; il n’y a ni musique ni changement d’éclairage ou de décor – mis à part une table qu’on amène des coulisses. Avec une certaine humilité, ils se révèlent au public, se mettent à nu en abordant leur rapport avec la mort, leurs craintes et leurs peurs, leur impuissance, leurs regrets, mais toujours avec une déconcertante lucidité. Très introspective, la pièce force le public à prendre un temps d’arrêt, à réfléchir lui aussi sur la vie, la mort, les contraintes, ou même la chance terrible qu’il a de vivre relativement aisément.  Par contre, une telle sobriété dans la mise en scène peut provoquer un léger goût amer, ou aride, que les comédiens réussissent relativement à contourner grâce à leur talent, leurs propos sincères et le rappel périodique de ces femmes et de leur geste politique, d’un altruisme presque héroïque.

02-06-2016