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Carrefour international de théâtre - 27 et 28 mai 2014, 20h, 29 mai 2014, 19h
La loi du marcheurLa loi du marcheur
En français
De et avec Nicolas Bouchaud
Film Pierre-André Boutang et Dominique Rabourdin
Mise en scène Éric Didry avec Nicolas Bouchaud

Le marcheur, c’est celui qui déambule, observe; à travers les images qui frappent son œil, il prend le pouls de son monde. Créateur et interprète du spectacle, Nicolas Bouchaud y fait revivre Serge Daney, célèbre critique, notamment aux Cahiers du cinéma. Entre conférence et confidence, le comédien reprend, dans La loi du marcheur, une partie des entretiens donnés par le journaliste quelque temps avant sa mort, en 1992 : « Itinéraire d’un ciné-fils ».

Propos sur la géographie, le cinéma, le journalisme, la culture et la nécessité de l’art, La loi du marcheur captive. Il s’agit là d’une pensée en marche, retraçant les souvenirs, partageant les découvertes. On est frappé par la largeur de vues et par l’acuité du regard, charmé par la souplesse de la réflexion, par l’humour, saisi par la passion, par l’urgence de dire. Par la générosité, aussi, celle de ne pas emporter dans le silence le bagage d’une vie.

Cette générosité trouve écho chez Nicolas Bouchaud, prêtant corps et voix au critique dans la sobre mise en scène d’Éric Didry. Quelques accessoires et les images du film culte de Daney, Rio Bravo, meublent le plateau; l’espace, autrement, est entièrement rempli de la parole qui se déploie, de la performance vive, suave de l’acteur. Bouchaud, dans la jubilation du jeu, devient à son tour passeur, conteur, griot, comme souhaitait le faire Serge Daney.

La loi du marcheur, sans cesse repris depuis sa création en 2010, convie à une rencontre d’exception avec une pensée exigeante, pertinente, qui pétille d’intelligence, portée par un grand comédien. Au sortir de la pièce, sa voix – celle de Bouchaud? de Daney? – ne nous quitte plus, et nous invite à commenter, désormais, notre propre parcours. 


Section vidéo


Collaboration artistique Véronique Timsit
Lumière Philippe Berthomé
Scénographie Élise Capdenat
Son Manuel Coursin
Régie générale Ronan Cahoreau-Gallier
Vidéo Romain Tanguy et Quentin Vigier
Photo Brigitte Enguerand

Durée : 1h50

Tarif régulier : de 32$ à 42$
Foubrac : 24,75$
Accro : 28,25$
Béguin : 30$

En parallèle

- Rencontre avec l'équipe le mardi 27 mai

- Projection
Rio Bravo, vendredi 23 mai 17h
Le Zinc, café-bar du festival
Western américain légendaire de 1959 réalisé par Howard Hawks, mettant en vedette John Wayne, Dean Martin et Angie Dickinson. Ce film a marqué l’enfance de Serge Daney, critique de cinéma français et personnage principal de La loi du marcheur.

- « Une bande-annonce aurait suffi, le film était inutile »
Table ronde Jeudi 29 Mai  |  12h30 Le Zinc, café-bar du festival
Quand la parole d’un critique devient geste créateur (destructeur?), partie prenante de l’expérience cinéma, pensée en mouvement, on se retrouve dans le territoire de Serge Daney. Discussion avec deux critiques de cinéma de Québec et les artisans de la pièce La loi du marcheur.
Animation John Blouin, directeur de la programmation, Antitube
Avec Éric Moreault, Le Soleil
Jason Béliveau,  Le 4 : 3
Éric Didry, La loi du marcheur
Nicolas Bouchaud, La loi du marcheur
L’intégrale des entretiens Serge Daney - Itinéraire d’un ciné-fils, sera projetée après la rencontre.
En collaboration avec Antitube.

- Serge Daney - Itinéraires d'un ciné-fils
Projection, 14h, Café-bar Le Zinc, 336 rue du Roi
29 mai 2014, 14h
Entretiens réalisés par Régis Debray, film de Pierre-André Boutang et Dominique Rabourdin.
En racontant le cinéma américain (Hawks, Hitchcock), la «qualité française », la nouvelle vague, Mai 68 et la politisation de la cinéphilie, ou encore l’irruption de la télévision et l’ère des médias de masse, Serge Daney nous lègue une morale et une mémoire de l’image.

Coproduction TNT / Toulouse / Midi-Pyrénées, Cie Italienne avec Orchestre, Festival d’Automne à Paris

Projet soutenu dans le cadre de l’opération FRIMAS lancée par l’Institut français et le Consulat Général de France à Québec en 2014


CarrefourThéâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne

 
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 Critique
Critique

par Guillaume Garcia


Crédit photo : Brigitte Enguerand

Le théâtre est le lien entre le texte et la voix. Un auteur écrit, un comédien joue les mots. Dans La loi du marcheur, de Nicolas Bouchaud, le théâtre redevient ce qu’il était au commencement des temps, c’est-à-dire un espace public où l’on raconte une histoire. Cette histoire n’a jamais été pensée comme un texte, qu’on couchera sur papier, mais comme un récit que l’on transmet par la parole.

La loi du marcheur s’intéresse à la vie de Serge Daney, célèbre critique aux Cahiers du cinéma et, plus tard, au journal quotidien Libération. Symbole d’une France d’après-guerre et de l’arrivée de la Nouvelle Vague, Deney a traversé la deuxième moitié du XXe siècle en observateur privilégié du passage de témoin entre cinéma et la télévision. Un peu avant sa mort en 1992, il donnait une série d’entretiens durant laquelle il transmettait publiquement ce que lui avait offert le fait de voir des films. Ces entretiens sont ensuite devenus un documentaire intitulé Itinéraire d’un ciné-fils.

Nicolas Bouchaud est tombé sur ce documentaire et a commencé à discuter avec le fantôme de Deney.  Il a adapté le texte et l’a joué. Il incarne donc Serge Deney, qui se repasse sa vie et nous livre ses impressions sur le monde, la vie et, bien sûr, le cinéma. Dans un décor composé d’une chaise, d’une bouteille de whiskey et d’un mur en forme de parallélogramme sur lequel sont projetés tantôt des mots, tantôt des images, Nicolas Bouchaud navigue légèrement et nous fait vite oublier qu’il est seul sur scène.

Tenter d’expliquer la pièce à un ami reviendrait à dire que l’on assiste à un monologue de près de deux heures et qu’on a l’impression que ça a duré 10 minutes. Cela peut sembler cliché de parler de la force d’un texte en théâtre. Mais ici, le texte y est vraiment fort. À y réfléchir, ce n’est d’ailleurs pas le texte qui est fort, mais ce sont les mots, ceux de Deney.

Les mots ont été pensés pour l’oral. Deney parle vite, puis lentement, hésite, bafouille, se reprend, extrapole et se perd parfois dans les méandres de ses réflexions.  C’est là que le génial Nicolas Bouchaud réussit son tour de force. Il incarne parfaitement le doute de Deney, ces errements pseudo-intellectuels tellement parisiens.  Deney veut être reconnu intellectuellement,t, mais tout ce qui ressemble à de l’élitisme parisiano-aristocratique le révulse. Deney dit que la magie du cinéma, c’est qu’il est né sur deux jambes. Une jambe populaire et une jambe élitiste un peu folle. C’est cela qui fait que tout le monde a aimé le cinéma. On pouvait voir des films grand public et des films tordus.

La parole de Deney à propos du cinéma est entrecoupée de montages vidéo et sonores issus du film de chevet du critique, Rio Bravo, d’Howard Hawk. Le film nous accompagne au gré des pérégrinations mentales de Serge Deney. Ce film représente pour lui à la fois la naissance, la découverte, et la mort, l’indifférence du cinéma. Sa pensée profondément socialiste se perd dans l’arrivée d’une télévision et d’une image individualiste. On ne veut plus créer un monde pour tous, mais un monde pour chacun. Rio Bravo, pour Deney, c’est la joie de la découverte du cinéma américain, de son génie, de son bonheur ; ébloui par la naïveté, il ne s’aperçoit pas qu’en réalité Rio Bravo c’est la fin du Hollywood qu’il aime.

À la fin de sa vie, Deney affirme que le cinéma se meurt, ou qu’une certaine idée du cinéma se meurt.  Comme cela arrive souvent pour les vieux amants, Deney mourra à son tour peu de temps après.

29-05-2014