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EnnemiUn ennemi du peuple
En allemand et français, avec surtitres en français
Un spectacle de Schaubühne Am Lehniner Platz
Texte Henrik Ibsen
Mise en scène Thomas Ostermeier
Adaptation et dramaturgie Florian Borchmeyer
Interprétation Thomas Bading, Christoph Gawenda, Moritz Gottwald, Ingo Hülsmann, Eva Meckbach, David Ruland, Stefan Stern

L’intégrité existe-t-elle? Si oui, combien en coûte-t-il pour l’acheter? Ces questions, volontiers cyniques, Ibsen les lançait en 1883 avec Un ennemi du peuple; le siècle écoulé depuis n’a en rien entamé leur pertinence. Entre drame et comédie, on y rencontre le Docteur Stockmann qui, ayant découvert une vérité essentielle à la santé de sa communauté mais menaçante pour son économie, voit avec surprise se révéler le vrai visage de ses concitoyens.

Thomas Ostermeier, directeur artistique de la Schaubühne de Berlin, s’approprie avec audace ce texte qui compte parmi les œuvres majeures d’Ibsen. Récipiendaire de nombreux prix, Ostermeier, depuis ses premières armes, secoue la scène théâtrale européenne par son regard neuf sur les œuvres, par ses lectures engagées, conjuguant interrogations classiques et esprit moderne. Résultat? Des pièces choc, comme son impressionnant Mann ist Mann, de Brecht, présenté au Carrefour en 2002, et comme cet Ennemi du peuple, qui a électrisé Avignon l’été dernier, se terminant sur une longue et bruyante ovation.

Campant l’action dans une société capitaliste moderne, dynamisant la mise en scène par la musique, le jeu vif, jouant du rapport au public pour interpeller le spectateur et enflammer sa réflexion, Thomas Ostermeier seconde Ibsen et nous tend le miroir d’un monde où bien commun et intérêts personnels luttent à armes inégales. Resserré, rafraîchi, Un ennemi du peuple, sous forme de suspense politique, interroge notre rapport au pouvoir et, finalement, la démocratie. Ostermeier donne à ce texte percutant un souffle puissant, alliant à l’acuité du questionnement politique l’énergie brute d’un spectacle rock.


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Scénographie Jan Pappelbaum
Costumes Nina Wetzel
Musique Malte Beckenbach + Daniel Freitag
Lumières Erich Schneider
Dessins Muraux Katharina Ziemke
Photo Arno Declair

Première à Avignon le 18 juillet 2012
Première à Berlin le 8 septembre 2012

Durée : 2h30

Tarif régulier : du 41,60$ à 63$
Foubrac : 36.20$
Accro : 41.90$
Béguin : 47.60$

Présentation en collaboration avec Place Des Arts + Carrefour International de Théâtre (Québec)
Avec le soutien du Goethe-Institut Montréal + Ministère Des Affaires Étrangères d’Allemagne


CarrefourGrand Théâtre de Québec, Salle Octave-Crémazie
269 boul René-Lévesque Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne

 
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 Critique
Critique

par Francis Bernier


Crédit photo : Arno Declair

Lorsque Henrik Ibsen a écrit Un ennemi du peuple en 1883, le contexte politique était fort différent de ce qu’il est aujourd’hui. Malgré tout, le texte de l’auteur norvégien est toujours aussi pertinent et Thomas Ostermeier prouve une fois de plus son talent de metteur en scène en signant une production épique, très près de la perfection. Depuis 1999, Ostermeier dirige la Schaubühne Am Lehniner Platz de Berlin qui est reconnue pour le caractère expérimental de ses productions. Il avait présenté, lors de l’édition 2002 du Carrefour international de théâtre, sa version de Mann ist Mann de Bertolt Brecht qui avait remporté un vif succès auprès du public et de la critique. Avec Un ennemi du peuple, la pièce la plus connue d’Ibsen, Ostermeier pose la question : la vérité peut-elle exister dans un monde dominé par l’économie? La société est-elle responsable de sa propre chute?

Le docteur Stockmann découvre que les eaux thermales de son village sont contaminées, mettant en péril la santé des curistes qui l’utilisent pour se soigner. Il demande alors aux autorités de faire les travaux nécessaires pour pallier la situation et souhaite publier les résultats de ses analyses dans le journal. Il obtient au départ le soutien de gens influents et de la presse locale, mais après avoir fait part de ses analyses à son frère Peter, nul autre que le maire du village, il réalise que la découverte qu’il a faite risque de miner la prospérité économique de son village. C’est alors que son projet est mis en doute par les gens qui, au départ, lui donnait leur approbation. On tente de dissimuler les problèmes de l’eau et on veut le faire taire. La santé économique du village devient soudainement plus importante que la vérité aux yeux des villageois et Stockmann devient le seul, marginalisé, à se battre pour la vérité. Une histoire qui sonne des cloches terriblement actuelles : la pièce était de passage au Festival TransAmériques de Montréal (lire la critique) lors de la crise de l’eau potable causée par une défaillance à l’usine d’épuration Atwater, privant 1,3 million de citoyens d’eau potable.

La mise en scène d’Ostermeier est réglée au quart de tour. Il utilise des procédés efficaces où le corps des acteurs est mis à contribution, agissant comme un sous-texte aux mots d’Ibsen. Le décor simple au départ prend des airs de plus en plus délabrés au cours de la représentation. Plus de 80% du texte a été remanié par Ostermeier, parvenant à donner un ton actuel aux propos de son contemporain. Dans sa version, le docteur Stockmann joue dans un groupe rock avec sa femme et ses amis. Ils interprèteront des chansons sur scène, entre autres Changes de David Bowie. C’est ici que se situe le talent d’Ostermeier : réussir à nous faire oublier que cette pièce a été écrite il y a plus d’un siècle.

Thomas Ostermeier rend vivante et dynamique une pièce politique de 2h30 sans entracte. Le brillant metteur en scène est probablement l’un des plus grands de sa profession en ce moment et il le démontre efficacement avec sa version actualisée d’Un ennemi du peuple. Espérons ne pas avoir à attendre encore dix ans avant de le revoir au Québec.

29-05-2013