Un narrateur raconte l'histoire d'un nouveau-né, trouvé par des marins dans la salle des machines d'un paquebot faisant le trajet Europe-Amérique. Il grandira tout près d'un piano, sur ce même bateau et deviendra l'un des plus grands jazzmans de son époque. Une légende au cœur des Belles et Folles années. Novecento reste sur le navire, rempli d'une joie et d'un émerveillement hors du commun, entre l'Europe et l'Amérique, répétant chaque fois l'expérience de la fascination devant le continent qu'il n'a jamais connu. "Touchera-t-il jamais le sol de cette terre, qui se confond pour lui en une imagerie poétique proche de la sublimation? " se demandent les marins à bord lorsqu'ils songent à cet homme, toujours hésitant à descendre. Intrigués, ils laisseront passer les années sans jamais l'obliger à quitter le lieu de sa naissance ni le juger. Mais le jour viendra tout de même, quelque vingt années plus tard, vers 1937, où Novecento devra se questionner une fois pour toutes et choisir: demeurer jusqu'à la mort sur ce bateau ou partir explorer le continent à l'aube de la deuxième guerre mondiale. C'est tout empreint de ce dilemme, et d'un désir de fidélité pure envers son passé qu'il nous est présenté par son ami saxophoniste, dans un monologue extrêmement humain.

Depuis la création de Novecento, en mai 2001, on parle de la reprise de ce spectacle. Après la création au Quat'Sous, la version anglaise a reçu un accueil magnifique au Festival d'Édimbourg. Après la présentation au Carrefour international de théâtre de Québec et au Centre National des Arts d'Ottawa , puis au Harbour Front de Toronto, la reprise à Montréal s'imposait donc par la reconnaissance que le milieu, le public et la critique ont accordée à cette première mise en scène de François Girard. La troupe voulais, dans la continuité de certains événements ponctuels tels que Monster du groupe Da Da Kamera, rejoindre le public anglophone par la présentation de la version anglophone du spectacle. Cela est d'autant plus important pour eux que la rencontre avec le comédien Tom McCamus fut des plus stimulantes. Ils ont donc choisi l'Usine C pour permettre au plus grand nombre de spectateurs possibles d'assister à ce spectacle qui fut un grand moment pour leur équipe.

Texte
Alessandro Baricco

Mise en scène
François Girard

Design et composition sonore Nancy Tobin

Scénographie
François Séguin

Avec
Pierre Lebeau (version française)
Tom Mc Camus (version anglaise)

Du 3 au 7 décembre 2003 (version anglaise)
Du 9 au 13 décembre (version française)

par Geneviève Germain

Avez-vous déjà remarqué l’extrême beauté de la langue française? Ses accents musicaux, sa ponctuation poétique? Vous direz que c’est tout de même étonnant de décrire une pièce traduite de l’italien de telle façon. Novecento, d’Alessandro Baricco, traduit par Françoise Brun, a d’abord été présenté au Théâtre du Quat’Sous en 2001. Suite à un grand succès dans sa version anglaise, cette pièce est de retour pour une courte période à l’Usine C.

C’est une scène couverte par un épais brouillard qui nous accueille. Arrivant à peine à discerner l’acteur au travers du mince éclairage, c’est dans cette ambiance peu commune, mais intrigante, que s’amorce le récit.

Car Novecento est avant tout un récit, ou un conte pour adultes, présenté par le personnage de Pierre Lebeau, lequel réussit un véritable tour de force. Un monologue de 90 minutes, durant lequel on se sent hypnotisé par l’imagerie de l’histoire. Les mots sont littéralement portés par l’ambiance musicale créée par Nancy Tobin, permettant ainsi aux paroles de prendre leur plein envol et de frapper l’imaginaire.

La mise en scène est minimaliste. Il y a peu d’éclairage, ce qui peut donner mal aux yeux par moments, car inévitablement, on recherche les éléments visuels. La lumière est toutefois habilement dirigée, façonnant à son tour le récit. L’emphase est véritablement mise sur les propos et les anecdotes racontés par le narrateur de l’histoire.

C’est d’une voix posée et enrouée que Pierre Lebeau partage le récit de vie de Novecento, un homme né en mer, qui a vécu en mer et qui n’a jamais mis pied à terre. Un simple homme? Selon son ami, il était un illustre pianiste de jazz : le meilleur.

La richesse de cette pièce repose en grande partie sur l’interprétation de l’acteur, lequel ne dirige pas l’émotion, mais la laisse transparaître, au fur et à mesure qu’on la devine, pour atteindre son apogée à la toute fin. C’est un don de pouvoir émouvoir tout en nuances, en subtilités.

L’univers de cette pièce est énigmatique, tout comme ce qu’on en retire.