Ulysse, après plusieurs années de guerre contre Troie, rentre enfin chez lui. Mais la mer sera contre lui; il affrontera mille dangers, perdra son équipage, sera pris en otage par une déesse, rencontrant mille créatures. Pénélope, son épouse, et son fils Télémaque, font patienter les prétendants du mieux qu'ils le peuvent, jusqu'au retour du mari et père. De retour sur sa terre natale, Ulysse ne sera pas au bout de ses peines... *

L'Odyssée, c'est d'abord une rencontre exceptionnelle entre le texte de Homère, le metteur en scène Dominic Champagne, son complice à l'adaptation Alexis Martin et le compositeur Pierre Benoît. Ce souffle novateur qu'ils ont insufflé à l'oeuvre, les comédiens l'ont porté à la scène, faisant de L'Odyssée une véritable «happening» qui s'est avéré l'événement théâtral que l'on sait: l'engouement général a donné lieu à une série de spectacle supplémentaires, une reprise et une tournée au Québec, toujours joués à guichets fermés!

*le résumé est un texte de MonTheatre.qc.ca

D'après l'oeuvre de
Homère

Adaptation de
Dominic Champagne et Alexis Martin

Mise en scène de
Dominic Champagne

Musique originale de
Pierre Benoît

Avec
André Barnard
Pierre Benoît
Ludovic Bonnier
Jean-Guy Bouchard
Michel-André Cardin
Julie Castonguay
Guillaume Chouinard
Claude Despins
Éric Forget
Norman Helms
Jacinthe Laguë
Pierre Lebeau
Sylvie Moreau
François Papineau
Dominique Quesnel

(reprise, présentée au Th. Maisonneuve de la Place des Arts)
Du 31 octobre au 22 novembre 2003
Présenté en direct à la SRC le 7 décembre pour sa 103e représentation.

 

(un éditorial-critique) par David Lefebvre

Mémoire!...
Nous te ramènerons dans ce pays que ton père avait aimé...

Je voudrais tout d'abord écrire ceci : cette critique n'en sera pas une en bonne et dû forme. Il m'est difficile d'associer le mot "critique" avec ce chef d'oeuvre du théâtre québécois. Par contre, avant de parler de la pièce, laissez-moi vous éclairer sur certaines choses, très personnelles, par rapport à l'Odyssée.

Je vivais à la campagne. Comme je pouvais difficilement me déplacer et aller voir des amis, je passais énormément de temps dans ma chambre. Durant deux ans, j'ai recopié à la main des passages de plusieurs livres sur la mythologie grecque. Cela me passionnait : ces dieux, ces humains d'une époque lointaine et révolue, ces histoires qui étaient la représentation de la vie, et des différents caractères de l'être humain ou de la nature. Comment un athlète, au corps parfait, devint Apollon ou cette nymphe, d'une beauté sans précédent, attirant regard et jalousie, devint Aphrodite. De voir aussi comment la mythologie grecque et romaine avait influencé les récits comme la Bible, selon certains experts : Jésus sur sa croix, écoutant et résistant aux appels de la facilité et de son désir de se sortir de cette épreuve, c'est notre Ulysse, attaché à son mât, écoutant les Sirènes. Ma main s'engourdissait rapidement mais j'avais une telle joie et envie d'apprendre que je ne pouvais pas m'arrêter. Puis, dans un de mes cours, au secondaire, je lisais en cachette l'Illiade et l'Odyssée d'Homère. Le professeur, s'approchant de moi, me regardait avec insistance et interrogation. Croyant essuyer des remontrances, je me mis sur la défensive. Puis il me dit : Tu lis Homère? Je répondis en hochant la tête. Il me regardait avec encore plus d'insistance. "Tu sais que ce sont des lectures universitaires?" Non, je ne savais pas. Mais le texte me plaisait tellement que je dévorais chaque page. Il me sourit finalement, m'encouragea à continuer mes lectures. Tout ceci pour dire ma passion pour la mythologie.

Après mes études, je suis arrivé à Montréal. Animant à la radio une émission de retour à la maison, j'ai commencé à faire des chroniques et critiques sur des films et des albums. Puis le théâtre est venu de lui-même. Mais je ne me trouvais pas d'affinité avec cet art, je n'arrivais pas à ouvrir assez grande mon imagination pour bien apprécier le spectacle. Étant cinéphile, il semblait qu'il me manquait quelque chose... Et j'ai rencontré une jolie dame, qui était une passionnée de théâtre. À chaque fois que nous allions voir une pièce (et au début c'est arrivé souvent, malheureusement, que nous sortions déçus de la représentation) elle me disait toujours : tu vas voir, le jour où tu assisteras à une bonne pièce qui va te plaire vraiment, tu vas adorer le théâtre. C'est arrivé le 1er mars 2000. J'allais voir ce soir-là la première d'un spectacle qui alla bouleverser ma vision du théâtre. Vous aurez sûrement deviné quelle était cette pièce... L'Odyssée. En sortant du TNM, je me suis aperçu que je n'avais pas vu le temps passer. Cette pièce m'avait frappé de plein fouet, au coeur et à l'âme. Comme je connaissais à fond l'histoire d'Ulysse, au départ, j'avais une peur bleue de sortir déçu de l'adaptation de Champagne et Martin. Heureusement, j'avais tort. Cette pièce fut le déclencheur de mon amour envers le théâtre.

Sûrement que depuis trois ans, tout a été dit sur cette pièce. La talent des comédiens (Papineau, Lebeau, Moreau et ainsi de suite), la force de la mise en scène, les projections sur le mur du fond et sur des voiles blancs, ce fameux mur au fond qui sert aussi de plancher de bateau, comme si nous, spectateurs, nous nous retrouvions au-dessus du navire. L'idée géniale de demander à Pierre Lebeau de jouer plusieurs rôles, mais surtout d'incarner Homère, le narrateur du récit. Lebeau est toujours présent sur scène, comme le conteur l'est devant ses spectateurs.

La première partie se concentre sur Pénélope et Télémaque, la femme et le fils du héros, qui attendent impatiemment Ulysse et qui tentent tant bien que mal de faire patienter les prétendants qui pillent la maison et mangent comme des porcs. Et bien sûr le long voyage de retour d'Ulysse: partis des côtes de Troie, Ulysse et ses hommes naviguèrent longtemps, rencontrant le cyclope Polyphène puis débarquèrent sur le rivage de la déesse Circé, les envoûtant tous pour les garder avec elle. Mais Ulysse réussit à se sortir de ce charme. Il descendit aux enfers pour demander le chemin du retour... Il passèrent les Sirènes, affrontèrent Charybde et Scylla, deux créatures monstrueuses. Puis, naufragé, Ulysse fut recueilli par Calypso. Notre héros finalement repartit de cette île pour sombrer en Crête.

La deuxième évoquera le retour d'Ulysse en Ithaque, son pays natal, et la ruse concoctée par Athéna pour qu'il puisse entrer dans sa maison sans être reconnu et affronter les prétendants par une épreuve et les tuer tous, puis, reconquérir sa belle et sa maison. Il reverra finalement son père qui ne le reconnaîtra pas...

C'est un texte sur la mémoire, sur ce que l'être humain a de plus vil et de meilleur en lui et les infinies ressources de l’homme confronté au destin. L'intelligence d'Ulysse les sauvera plus d'une fois. Le vin, l'eau et le feu (qui font partie du magnifique décor épuré) sont des éléments primordiaux. L'adaptation est incroyablement bien rendue (malgré certains petits changements, comme par exemple le fait de rendre Ulysse un peu plus patriotique qu'il ne l'était au départ, car il ne voulait pas aller au combat à Troie, dans l'histoire originale, il simulait la folie). Ulysse est incarné avec brio, justesse et humanité par François Papineau. Sylvie Moreau joue une Circé des plus envoûtantes et une nourisse des plus attachantes (malgré que ce rôle soit moins important). Mentionnons aussi Dominique Quesnel en forte Pénélope, digne de ce Ulysse sans oublier Guillaume Chouinard en Télémaque, qui devient un homme et tente de sortir de l'ombre de son père qu'il n'a pourtant jamais connu. Mais c'est Pierre Lebeau, par sa voix immense, sa présence et ses nombreux rôles (Laërte, Homère, Polyphène, le roi de Crête...) qui nous fait frémir. À un moment, le dieu de la mer, Poséidon, se choque contre Ulysse et ses bravades. Pour montrer cette scène, on voit Ulysse se débattant, derrière un voile blanc sur lequel on projette des vagues et Pierre Lebeau en Poséidon, géant, dans l'eau, avec des yeux blancs. Une scène remarquable. Puis, le dernier monologue, qui commence après un très long silence, un cri et le mot "Mémoire!" qui nous cloue littéralement dans notre banc. Ce moment, pour moi, fut d'une grande émotion.

Un autre élément important de cette pièce est la musique. Grandiose, elle ajoute carrément un autre personnage, une ambiance, une émotion complexe et vivante à l'histoire (d'ailleurs le cd est en vente chez Archambault). Pierre Benoît a créé une musique troublante et des musiciens sont sur scène pour l'interpréter. Les moments chantés le sont par les femmes de la troupe. Sylvie Moreau a réussi à écrire des phrases en langage inventé, tiré de l'ancien grec, pour ajouter un sens mystique et d'une grande beauté.

J'aime beaucoup les histoires. Celles qui nous transportent loin et nous font réfléchir. Celle-ci fait partie des plus riches et des plus intéressantes qui soit. Pour les personnes qui connaissent la mytho, vous allez vous régaler. Pour les autres (comme la personne qui m'accompagnait) vous allez apprécier un spectacle de haut niveau, et voyager très loin dans votre tête, réfléchissant sur les différents thèmes qui sont abordés dans l'histoire. Un moment éphémère qu'il ne faut surtout pas rater. Pourquoi pas un DVD après le CD?

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Pour les personnes voulant s'initier à la mythologie grecque,
je vous suggère les livres d'Edith Hamilton.
Merci à l'équipe de Théâtre Il va sans dire pour l'invitation et les photos.