Supplémentaires du 9 au 15 mai et du 18 au 22 mai, prolongation exceptionnelle jusqu’au 13 juin
Puis du 22 septembre au 9 oct. 2004
Nouvelle série de supplémentaires du 13 au 30 octobre
et du 17 au 27 novembre 2004

Livret de Joe Masteroff
Musique de John Kander
Paroles de Fred Ebb

Mise en scène de Denise Filiatrault
d’après la traduction et l’adaptation d’Yves Morin

L’amour peut-il s’épanouir sous un régime totalitaire ? Survivre aux contraintes de l’Histoire ? Et les hommes peuvent-ils échapper à ce qu’ils sont foncièrement ? Un seul constat surprenant y répondra.

Clifford Bradshaw, un jeune romancier, arrive en Allemagne, avec l’espoir de découvrir un sujet pour son nouveau roman, mais, dès son arrivée, il se laisse entraîner par la vie nocturne du Berlin décadent des années trente. Il se retrouve ainsi au Kit Kat Klub, où il rencontrera Sally Bowles, une artiste délurée, qui se produit sur la scène de ce cabaret miteux, pour un numéro sans équivoque.

Le caractère ténébreux de Clifford, joué par Stéphane Gagnon, sert de contrepoint à la frivolité de Sally et de Fräulein Kost, qu’incarnent respectivement Sylvie Moreau et Marie-Ève Pelletier. Fräulein Schneider, alias Véronique Le Flaguais, et Herr Schultz, alias Paul Doucet, dont le pathétique est poignant, sont les victimes de l’effrayant Ernst Ludwig, personnifié par Normand D’Amour.

Le personnage le plus fascinant est celui du maître de cérémonie, interprété par François Papineau. À son invite, les spectateurs de Cabaret deviennent l’auditoire composite de ce fameux Kit Kat Klub berlinois. Pour l’occasion, le Théâtre du Rideau Vert est transformé en un music-hall digne de ce nom, et la scène accueille sept comédiens qui chantent et nous font sentir toute la détresse émotionnelle de leur personnage, ainsi que sept danseurs (Émily Bégin, Chantal Dauphinais, Nathalie-Ève Roy, Christian Vézina, Richard Belhumeur, Jean Luke Coté et Joël Legendre) et six musiciens (Patricia Deslauriers, Nadine Turbide, Marie-Josée Frigon, Marie-Josée Allard, Kristin Monnard et Denis Courchesne)

Le cabaret, lieu de perdition, devient la métaphore d’une Allemagne, qui se perd, elle aussi, avec l’avènement du IIIe Reich. Plus qu’une peinture de la montée en puissance du régime nazi, cette comédie musicale est une plongée dans les eaux troubles des passions humaines et de la sexualité.

La richesse de cette comédie musicale vient de ses origines multiples et complexes.

Cabaret ne peut pas renier sa filiation avec The Threepenny Opera (1933), qui est une adaptation par Bertolt Brecht et Kurt Weill de la pièce The Beggar’s Opera (1728) de John Gay. Mais le livret de Cabaret prend aussi sa source dans deux romans, à caractère largement autobiographique, de l’écrivain Christopher Isherwood : The Last of Mr. Norris (1935) et Goodbye to Berlin (1939), qui ont été réunis sous le titre de The Berlin Stories en 1946. L’auteur y relate ses expériences berlinoises et décrit d’une manière réaliste l’Allemagne entre 1929 et 1932.

De ces romans, John Van Druten tire une pièce de théâtre, dont la réussite à Londres lui vaut d’être transposée à l’écran, en 1955, sous le même titre, I Am a Camera. Fort de ce succès, Joe Masteroff et Harold Prince, avec la collaboration de John Kander et de Fred Ebb, créent la comédie musicale Cabaret en 1966. En 1972, Bob Fosse décide d’en faire un film avec Liza Minelli, Michael York et Joel Grey, qui raflera huit oscars, et deviendra un succès mondial.

Rappelons que Cabaret a tenu l’affiche pendant six ans au Studio 54 à New York.

Musicien diplômé de l’Université de Montréal, Yves Morin enseigne le chant aux comédiens du Conservatoire d’art dramatique de Montréal depuis 1994. Compositeur récompensé par le prix du public étudiant pour L’Honnête Fille de Goldoni, il a signé la conception de la bande sonore de nombreuses pièces de théâtre, dont L’Hôtel du libre-échange de Georges Feydeau.

En outre, il a traduit Une Petite Musique de nuit de Hugh Wheeler et Stephen Sondheim et il a également adapté Rent de Jonathan Larson, en collaboration avec Vincent Bolduc. Aujourd’hui, il transcrit pour le public québécois des chansons telles que Maybe this Time, Don’t Tell Mama, Tomorrow Belongs to Me, The Money Song, et Cabaret, sans perdre la saveur qui en fait le charme.

Denise Filiatrault met en scène un drame politique sous la forme d’une comédie musicale.

Denise Filiatrault est l’une des metteures en scène fétiches du Théâtre du Rideau Vert où elle a dépeint les univers de Gratien Gélinas (Les Fridolinades I et II), Woody Allen (Joue-le pour moi, Sam), Alan Ayckbourn (Les Anges dans nos campagnes), Georges Feydeau (Le Dindon) et Tom Ziegler (Grace et Gloria). Nous ne comptons plus les prix et les honneurs qu’elle s’est mérités tout au long de sa carrière.

Après sa mise en scène audacieuse et le succès incontestable de Deux Pianos, Quatre Mains, dans laquelle le texte devenait concerto, Denise Filiatrault poursuit son cheminement artistique en montant cette comédie. Maîtrisant la musicalité avec savoir-faire, elle réaffirme son talent, en passant du rire presque rabelaisien de la pièce Appelez-moi… maman au drame réaliste et populaire que relate Cabaret.

Rencontre avec les artistes et les artisans.

Le vendredi 16 avril, après la représentation, les spectateurs du Théâtre du Rideau Vert auront le privilège de rencontrer et de discuter avec les concepteurs, les comédiens et le metteur en scène et de fêter avec eux le 55e anniversaire du Théâtre du Rideau Vert.

Du 13 avril au 8 mai
Horaire des représentations
Du mardi au vendredi, 19h30
Le samedi, 16h et 20h30
Supplémentaires du 9 au 15 mai et du 18 au 22 mai, prolongation exceptionnelle jusqu’au 13 juin
Puis du 22 septembre au 9 oct. 2004

Nouvelle série de supplémentaires du 13 au 30 octobre
Billetterie 844-1793

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Le texte est un extrait du communiqué de presse

 

par David Lefebvre

Un succès phénoménal sur les planches de Broadway, huit Oscar pour le film de Bob Fosse: Cabaret est un véritable «success story» dans le monde des comédies musicales. Il était donc dangereux de s'y casser les dents et les comparaisons sont inévitables.

Comme sûrement plusieurs d'entre vous, je n'ai vu que le film de 1972, avec Liza Minnelli et Michael York. Par contre, le Cabaret du Rideau Vert est tiré du livret de Joe Masteroff, et selon plusieurs personnes qui l'ont vu, ce spectacle se rapproche beaucoup plus de ce que Sam Mendes a fait sur Broadway. Par exemple, une scène qui n'est pas dans le film mais qui se retrouve sur scène est celle où Sally Bowles (Sylvie Moreau) dit quelque chose comme : «Par exemple, si je vernissais mes ongles en vert, comme c'est le cas présentement, si quelqu'un me demandait pourquoi je lui dirais parce que je trouve ça joli.»

Nous sommes au jour de l'An de 1930. Un jeune Américain sans le sou, un écrivain qui cherche l'inspiration, nommé Clifford Bradshaw (Stéphane Gagnon) arrive à Berlin et découvre par un ami rencontré dans le train, Ernst Ludwig (Normand D'Amour - pourrait être remplacé à quelques reprises par Michel Monty) les bars et les cabarets de la capitale de l'Allemagne. L'écrivain loue donc une chambre à la sympathique tenancière Fraülein Schneider (Véronique Le Flaguais - pourrait être remplacé à quelques reprises par Élisabeth Chouvalidzé) qui est courtisé par Herr Schultz (Paul Doucet - pourrait être remplacé à quelques reprises par Jean-Marie Moncelet) qui est fruitier (les fruits sont une denrée rare à ce moment, et coûtent cher) mais qui est aussi juif. Bradshaw tombera sur Sally Bowles (Sylvie Moreau) chanteuse au Kit Kat Club, où les soirées sont animées par un MC haut en couleur (François Papineau). 1930, c'est aussi la montée des nazis, le début de la persécution des juifs, bref un pan de l'histoire très sombre.

En entrant dans le théâtre, la première chose qui nous vient à l'esprit est : mais comment feront-ils sur une si petite scène? Le décor est relativement simple : un mur de bois avec trois portes, de chaque côté deux escaliers en colimaçon qui mène à un plateau où se trouvent les musiciens (je devrais dire musiciennes car il n'y a que deux hommes : Patricia Deslauriers à la contrebasse, Nadine Turbide au piano, clavier et accordéon, Marie-Josée Frigon au sax et clarinette, Marie-Josée Allard au trombone, Kristin Molnar au violon, Denis Courchesne à la batterie et Richard Belhumeur au banjo). Ces derniers font partie intégrante de la pièce et sont vraiment fantastiques - mais c'est vraiment au retour de l'entracte que l'on profite du talent de ces musiciens(nnes) avec une excellente pièce instrumentale. Devant la scène, au parterre, se retrouve de petites tables rondes aux nappes rouges, avec un téléphone et une lampe (pour reproduire une scène avec le plus de réalisme possible) et certains spectateurs auront la chance de s'y asseoir. C'est alors que le MC entre en scène avec les danseuses pour le premier numéro (Émily Bégin, Richard Belhumeur, Jean-Luke Côté, Chantal Dauphinais (qui est aussi sur la conception des chorégraphies), Joël Legendre (qui nous prouve encore une fois qu’il a une voix magnifique, chantant en canon avec les autres danseurs), Nathalie-Ève Roy et Christian Vézina). C'est alors que tout ce dévoile sous nos yeux : le Rideau Vert devient le Kit Kat Club, on sombre dans la décadence de ces années mouvementées. Les costumes sont homogènes, flânant entre le bon goût et la décadence. Welcommen, Bienvenue, Velcome résonne. Pour plusieurs numéros, les concepteurs ont gardé un peu d'allemand et d'anglais, ce qui ne nuit pas du tout au concept de la pièce et nous rappelle son origine.

François Papineau incarne un MC fascinant, dévergondé, à la limite du surréalisme : une continuité de ce que Joel Grey a fait avec son personnage dans le film. Stéphane Gagnon interprète un jeune premier, inexpérimenté en amour, avec sincérité. Normand D'Amour nous séduit au départ puis nous donne froid dans le dos alors que nous voyons ses deux côtés : enjôleur et engagé dans la nouvelle politique d'extrême droite (d'ailleurs, dans le film, Bradshaw se fait engager pour traduire un livre pornographique, et ici, il lit le Mein Kampf). Véronique Le Flaguais incarne une Fraülein Schneider tout en douceur et en bonté qui passe très naturellement du jeu au chant, tout comme Paul Doucet. Marie-Ève Pelletier joue une Fraülein Kost «qui attire les marins vers son port». Le hic vient malheureusement de Sylvie Moreau. Non pas qu'elle est mauvaise : son tour de chant est fort respectable, même très bien, son jeu peut aller, qui est tout en naïveté, mais justement : Sally Bowles est une femme de showbiz, qui ne vit que pour la chanson, les planches et les applaudissements. Elle ne désire qu'une seule chose : devenir actrice de cinéma. Au diable le reste. Mais elle découvre le bonheur dans les bras de cet écrivain et elle est déchirée. On sent plus ou moins bien cette déchirure chez Sylvie Moreau, et le sens profond du personnage est absent, toute cette frivolité dans sa personnalité ne semble avoir aucun sens sauf celui de dire qu'elle est une paumée. Pourtant, Sally Bowles vit dans un fantasme quotidien, elle est, en fait, un fantasme en soi. C'est ce qui manque à la Sally de Moreau, ce grand désir du spectacle, et l'incarnation du cabaret à elle seule, comme l'a si bien rendue Liza Minnelli. D'ailleurs, malgré les projections, la chanson patriotique et la finale coup de poing, toute la notion de nazisme, de juifs, des sombres jours manquent un peu de chair, remplacé ici par celle des danseuses aux cuisses dévêtues. Nous assistons aux antithèses du côté animal de l'homme : la guerre, l'exclusion, puis le plaisir instinctif, le rire gras, le sexe. Il aurait intéressant de pousser encore plus loin ce concept.

Somme toute, le Cabaret de Denise Filiatrault nous offre un «bon show» et ce, il serait péché de le nier, grâce à l'excellente performance de François Papineau. Sans tomber dans la vulgarité moche, les numéros de transition sont plus sexuels que sensuels, et recrée, le temps d'un moment, la folie et l'audace du Cabaret. Bien sûr, le spectacle sera joué et rodé, et du même coup toutes les pièces tomberont en place pour faire de cette pièce-comédie musicale le plus coloré et le plus dévergondé des spectacles de la saison 2003-2004 du Rideau Vert.


Crédit photos: Yves Renaud