Corps étrangers est un fleuve poétique. Une suite d'images en mouvance qui saoulent l'âme et enivrent les sens. L'histoire est multiple. Elle est grâce et méandres. Une histoire en 9 tableaux comme une marée qui va et vient pour tracer des lignes de vie sur un sol vierge. Corps étrangers devient cette valse avec une belle inconnue, à travers les parfums étourdissants d'un paysage de violence et de sensualité.

Ce spectacle se veut un pas de plus vers la création pure et spontanée avec laquelle dialogue le metteur en scène Eric Jean. Créé à partir d’improvisations dirigées, Corps étrangers est la rencontre entre des artistes mexicains et québécois. Eric Jean s’en est allé au Mexique avec son complice Pascal Brullemans, dans la région de Colima, avec le désir de créer une œuvre fracassante et audacieuse, avec de jeunes acteurs mexicains.

Corps étrangers a été produit grâce au soutien de l’Office Québec-Amériques pour la jeunesse. Une entente conclue avec le Secretaria de Cultura del Estado de Colima permet à l’OQAJ de faciliter la mobilité des artistes entre le Québec et le Mexique, encourageant ainsi les échanges culturels.

Créé en octobre 2005, ce spectacle arrive au Quat’Sous fort et fier d’avoir été présenté l’an dernier à Colima, puis à Mexico City. Un spectacle où le français et l’espagnol se croisent, se courtisent et se fusionnent pour laisser place à la poésie et à un horizon foisonnant, dépourvu de frontières.

Les Noctambules (activité gratuite)
Discussions animées par Marie-Louise Arsenault
après la représentation du jeudi 31 août 2006

Texte
Pascal Brullemans
à partir d'improvisations dirigées par Eric Jean, avec les comédiens

Traduction
Anne Catherine Lebeau


Mise en scène
Éric Jean

Avec
Hector Castaneda Arceo, Ernesto Cortés, Ariadna Galvan, Anne-Catherine Lebeau, Nelly Magana, Nadia Molina, Janet Pinela, Christian Rangel

Concepteurs
Anne-Catherine Lebeau, Dominique Mercier, Pierre-Etienne Locas, Martin Sirois, Eric Jean, Suzanne Trépanier

Une codiffusion de la compagnie Cuatro Milpas Teatro et du Théâtre de Quat’Sous en collaboration avec l’Office Québec-Amériques pour la jeunesse

Du 30 août au 16 septembre 2006
Suppl. 16 septembre 14h
Billetterie : 514-845-7277

 

par Marzia Pellissier

Le Mexique est symbole, le Mexique est sensation, toucher ; le Mexique est rire et pleurs, en même temps. Le Mexique est paradoxe, c’est ce que nous expriment les jeunes de la troupe de Colima, invités au Théâtre de Quat’sous, en collaboration avec Éric Jean, metteur en scène et directeur du théâtre et Pascal Brullemans, auteur. En fait, l’expérience est née d’une invitation; les deux Québécois se sont rendus au Mexique, sans un mot d’espagnol en poche, y ont rencontré les Mexicains, sans un mot de français en bouche. C’est alors le corps qui s’est mis à parler ; le corps de l’un, le corps de l’autre, différents; le corps de l’un avec le corps de l’autre, et voilà Cuerpos extranos, Corps étrangers.

Après le succès de la pièce au Mexique, Éric Jean n’a pu faire autrement que de la présenter à Montréal, dans son propre théâtre, question de boucler l’expérience. Cuerpos extranos devient Corps étrangers, une pièce qui se décline en neuf tableaux, neuf récits prenant racine dans les improvisations du tout début, d’où se dégageaient principalement les thèmes de la violence et la sensualité. La pièce devient bilingue, Anne-Catherine Lebeau reprend son rôle de traductrice (lors du travail de création, elle soutenait déjà ce rôle) et le public part en voyage.

Le déroulement du processus créatif, l’expérience du choc des cultures, la collaboration entre Québec et Mexique, tout cela est merveilleux, et cela trouve bien sa place dans une ville comme Montréal. Le prologue touchera sans doute tout immigrant d’une vie ou d’un jour, car on y parle de la solitude que l’on peut ressentir à l’arrivée dans un nouveau pays, si différent, si attrayant, mais si difficile à pénétrer encore… de l’émerveillement quotidien, de l’incompréhension trop fréquente, de la nostalgie de son pays… Oui, tout cela est très beau, mais ce prologue nous mène en déroute, car le seul voyage que l’on nous propose est celui de la terre au ciel, celui de la vie à la mort. Neuf tableaux, qui nous exposent mille et une images de sensualité et de violence, neufs tableaux abstraits que l’on présente comme une peinture à numéros. Mais les liens? “Dans ce spectacle, on raconte beaucoup plus à l’aide de nos sens qu’à l’aide de notre raison.” , nous avoue le metteur en scène. Oui d’accord, mais l’abstrait doit tout de même avoir un fondement, et un tableau est sensé avoir une certaine structure dramatique, ce qui n’est pas toujours clair. Les images et les sensations sont puissantes, vibrantes, vraies, mais la toile de fond n’est pas tissée assez serré. Les sketchs voguent entre abstrait et symbolique ; on sent qu’on tente de nous dire quelque chose tant on est bombardé de symboles, mais le sens est brouillé par cette volonté de rester dans le flou sensoriel. Il aurait fallu concentrer les énergies dans une seule direction, sinon, il est facile de se perdre.

Car l’esthétique est superbe.  Au début, tout semble cohérent, on nous parle d’immigration, la scénographie propose un plancher d’ardoise très escarpé, ce qui représente à merveille la sensation d’un immigrant sur une nouvelle terre, qui avec force et détermination reste debout, malgré tout ce qui pourrait l’abattre. Ce sol sera peu à peu teinté des couleurs de chacun, de ses dessins, de ce qui lui appartient, comme on pourrait décorer une nouvelle chambre des photographies de ses proches, de souvenirs significatifs, pour faire d’un lieu étranger un nouveau chez soi. Au fond, une structure de bois utile, avec différentes portes de sorties, astuces et cadres, qui serviront efficacement les divers environnements. Le coeur de ces derniers se trouve surtout dans la conception d‘éclairage de Martin Sirois. Vivante, vibrante, parfois pulpeuse, parfois aride, la lumière est protagoniste de cette histoire. C’est elle qui peint les émotions, les sensations, c’est elle qui donne le rythme sur lequel les comédiens dansent.

L’environnement sonore aussi est intéressant. Il parle encore de mélange, d’échange culturel, car les comédiens chantent les sons de musiques de chez nous et d’ailleurs, comme si elles étaient les leurs. Félix Leclerc devient Mexicain, Richard Desjardins aussi, Robert Charlebois nous chante chaleureusement qu’il reviendra à Montréal, comme la plupart des membres de la troupe d’ailleurs…

Ça fait plaisir de voir de nouvelles têtes sur nos planches, surtout de si jeunes comédiens venus de loin. Leur travail est fantastique car ils nous offrent de belles performances, en français et en espagnol, alors qu’il y a à peine une année, ils ne pouvaient que balbutier en français! Belle initiative de gens d’énorme talent, mais le tout reste confus…  dommage!

04-09-2006