Supplémentaires : 13, 20, 27 mai et du 30 mai au 10 juin 2006

À compter du 11 avril prochain, en clôture de sa 30e saison, le Théâtre de La Manufacture est heureux de mettre à l’affiche du Théâtre La Licorne la création de la toute dernière pièce de Jean Marc Dalpé, Août – un repas à la campagne. À la mise en scène, Fernand Rainville réunit quatre générations d’acteurs et d’actrices qui prêteront leur talent reconnu à cette écriture forte : Annick Bergeron (Louise), Henri Chassé (Gabriel), Pierre Curzi (Simon), Louise Laprade (Jeanne), Jacques L’Heureux (André Mathieu), Marie Tifo (Monique), Janine Sutto (Paulette) et Catherine DeLéan (Josée) pour qui il s’agit d’un premier rôle professionnel au théâtre.

L’action se situe à la fin d’un samedi après-midi du mois d’août. En ce troisième jour de canicule, tout le monde est déjà un peu à cran à la vieille maison de ferme familiale qui a connu de meilleurs jours. Quatre générations composent la maisonnée : Paulette, 86 ans, qui a cédé la ferme à sa fille Jeanne, 60 ans, mariée à Simon, 57 ans, leur fille Louise, future héritière de la terre et son mari Gabriel, respectivement 38 et 42 ans, et Josée leur fille de 19 ans.

Un repas se prépare car on attend la visite des « gens de la ville». Fin cinquantaine, la soeur de Simon, Monique, (bien préservée diront certains – beaucoup d’effort diront certaines) vient présenter son fiancé : André Mathieu, l’image même du veuf retraité dynamique.

Simon, qui se remet d’un ACV et d’une radiothérapie, parle de la relance de l’érablière, un projet qui permettrait à la famille de reprendre le dessus… Lui le premier, personne n’y croit vraiment. Particulièrement pas Louise, maintenant agent d’immeuble, pour qui tout vendre permettrait vraiment de faire une bonne affaire. De surcroît, Louise a récemment fait une rencontre au village… Jeanne est inquiète. Gabriel aussi, bien sûr. De son côté, on dirait que Paulette a «innocemment » le don d’en rajouter…

Par cette chaleur qui semble ne pas vouloir s’estomper et où les conversations s’enlisent, la tension monte sournoisement, la cassure est imminente. Chacun en perçoit l’issue. Les silences et le déni n’en seront que plus éloquents.

Dans un texte précis et des scènes rythmées où l’humour s’entremêlent au drame de personnages qui ne savent plus vraiment comment s’adapter à leurs réalités, Août-un repas à la campagne aborde en filigrane les thèmes de la transmission et de la lignée et explore une facette d’un code du silence ici généré par la dépendance envers un couple qui a peut-être atteint son point de rupture. Mais cette rupture supposerait un changement de vie radical pour chacun, une peur que chacun ressent mais que jamais personne n’abordera.

Dramaturge, poète et romancier, la scène théâtrale doit à Jean Marc Dalpé, entre autres, Eddy, Le Chien, Lucky Lady et Trick or Treat. Il est également récipiendaire de trois Prix du Gouverneur général. Le premier dans la catégorie roman pour Un vent se lève qui éparpille (2000), les deux autres dans la catégorie théâtre pour Il n’y a que l’amour (1999) et Le Chien (1988). Dalpé est également l’auteur de la télésérie Temps dur (9 nominations au récent gala des Gémeaux) diffusée l’an dernier sur les ondes de Radio-Canada.

Écrite lors de la résidence de l’auteur au Théâtre de La Manufacture, Août-un repas à la campagne réunit à nouveau Jean Marc Dalpé et Fernand Rainville à La Licorne après Trick or Treat qui y fut créée au printemps 1999 et qui connut un immense succès à Montréal et en tournée.Reconnu pour son sens du rythme et de la tension dramatique, Fernand Rainville est d’ailleurs un habitué de La Manufacture et de La Licorne où il a signé plusieurs mises en scène dont Glengarry Glen Ross (sa première mise en scène à Montréal), Howie le Rookie et Trick or Treat.

L’équipe de production rassemble Allain Roy à l’assistance à la mise en scène, Patricia Ruel au décor, Mireille Vachon aux costumes, André Rioux à la lumière, Larsen Lupin à l’environnement sonore, Marie-Ève Lemieux aux accessoires et Suzanne Trépanier aux maquillages.

De : Jean Marc Dalpé
Mise en scène : Fernand Rainville
Avec : Annick Bergeron, Henri Chassé, Pierre Curzi, Catherine De Léan, Louise Laprade, Jacques L’Heureux, Janine Sutto et Marie Tifo
Assistance à la mise en scène : Allain Roy
Décor : Patricia Ruel
Costumes : Mireille Vachon
Éclairages : André Rioux  
Environnement sonore : Larsen Lupin 

Une production du Théâtre de La Manufacture 

Du 11 avril au 27 mai 2006
Supplémentaires : 13, 20, 27 mai et du 30 mai au 10 juin 2006
Billetterie : 514.523.2246

 

par David Lefebvre

Pour clore la saison 2005-2006, La Licorne nous offre un petit cadeau : Août – un repas à la campagne, une pièce de Jean Marc Dalpé (qui s’était concentré durant les dernières années sur l’excellente série Temps durs), mise en scène par Fernand Rainville. La dernière création de ce duo de choc remonte en 1999, avec Trick or Treat. Ils nous proposent cette fois-ci une pièce au ton familial, plus féminin qu'à l'habitude, qui réunit pas moins de quatre générations.

En pleine campagne, en ce mois d'août de canicule, une famille prépare un repas en honneur du mariage prochain de Monique (Marie Tifo) et d'André Mathieu (Jacques L'Heureux). On y trouve le couple qui s’occupe maintenant de la maison et de la terre, Louise (Annick Bergeron) et Gabriel (Henri Chassé), la soeur de Monique et la mère de Louise, Jeanne (Louise Laprade) qui s'occupe de son mari Simon (Pierre Curzi), remis d’un ACV et de la malcommode et doyenne du foyer, Pauline (Janine Sutto), et la fille de Gabriel et Louise, Josée (Catherine de Léan), qui tente de faire sa place malgré tout. Simon parle de repartir l'érablière, Monique tente de faire prendre un congé à sa soeur Jeanne qui en fait trop, et un orage éclate finalement au sein du couple de Gabriel et Louise. La chaleur est accablante, les discussions s'enlisent, la tension monte...

Jean Marc Dalpé signe un texte fort, captivant, terriblement humain, à l'intensité graduelle rappelant les grands maîtres grecs ou Tchekhov mais imprégné totalement d'une réalité nord-américaine (Dalpé le dit lui-même, il a lu et relu La Cerisaie pour comprendre le fonctionnement de la montée dramatique, et prouve qu’il le maîtrise sans contredit). Le non-dit, dans des paroles qui peuvent sembler banales ou dans certaines situations, est lourd de signification, comme lors de la scène du choix de la nappe pour la table (une mère et une fille en désaccord sur les agissements de la dernière) ou quand Josée chiale contre le driveway qui n’est toujours pas assez large pour deux voitures (allusion à la peur du changement). Les différents liens familiaux sont fissurés et la peur du changement fait mentir et agir d'une manière dépassée. Chacun a ses "petits" problèmes, on reporte tout et personne ne s'intéresse aux rêves et projets de Josée, à qui, pourtant, le futur appartient.

Fernand Rainville rend justice à cette tragédie familiale avec une mise en scène respectant les différentes contraintes que le récit impose : un seul lieu, un seul espace-temps, un rythme soigné en pente douce vers l'inévitable gouffre dramatique. La distribution est irréprochable, en commençant par Madame Janine Sutto, alerte, malcommode (comme elle le répète souvent), aux répliques hilarantes, Jacques L'Heureux, Henri Chassé, Louise Laprade et Pierre Curzi, fidèles au talent fou qu'ils ont et Marie Tifo, attachante et candide. Catherine de Léan, malgré le peu d'expérience qu’elle possède, arrive à s'en tirer quand même bien, en jeune femme de 19 ans qui essaie de survivre dans ce petit monde reculé.


Crédit photos : Yanick Macdonald

Le décor de Patricia Ruel est impressionnant : c'est une façade d'une vieille maison en bardeaux de cèdre, avec une porte moustiquaire antique, deux fenêtres, une galerie, une balançoire et même de la gravelle ; comme elle prend toute la place, on s'y croirait. Pour permettre un jeu de lumière remarquable (de André Rioux), des arbres stylisés mais réalistes sont découpés dans les murs, comme des gravures : en pleine lumière ce sont des ombres, rétro-illuminés, cela donne un spectacle magnifique.

Août – un repas à la campagne parle de la vie, de points de rupture, de la dévotion, des conventions qui se brisent, des transmissions filiales et des dépendances que cela crée, des silences qui se fracassent comme du verre sur un plancher, de l’espoir de la jeunesse et de la fragilité d’être, comme une vieille balançoire aux chaînes rouillées. À voir.

12-04-06