Supplémentaires les samedis 1er, 8 et 15 novembre 2004 à 16h
En reprise du 7 mars au 1er avril 2006 à La Licorne
Supplémentaires
18, 25 mars, 1er avril 15h
11 avril 2006 Théâtre Outremont - (514) 495-9944
18 avril au 6 mai Théâtre Périscope - Québec
- (418) 529-2183

Dans une petite ville écossaise, deux ouvriers d'une usine d'électronique kidnappent un patron étranger afin de dénoncer la mondialisation, l'exploitation et l'assimilation. Or Gary, ancien militant de gauche et syndicaliste convaincu, va découvrir que sur la base du même élan de départ, Eddy, son acolyte, a une tout autre vision du monde... Et Tom? Il a tout simplement oublié sa casquette!

L'auteur parle avec humour de sa pièce : "Je voulais écrire quelque chose sur le 20e siècle. Et je voulais écrire quelque chose sur l'économie et sur les hommes. Et c'est devenu Gagarin Way. Une comédie. Je ne m'y attendais pas, mais quand on considère les thèmes inhérents à la pièce : les théories historiques de Marx et de Hegel, l'anarchisme, l'existentialisme, le terrorisme politique, la mondialisation et la crise d'identité masculine, alors comment pouvait-il en être autrement?"

Qualifiée d'hilarante comédie noire, Gagarin Way parcourt le monde à une vitesse ahurissante. Créé en août 2001 en Écosse, le texte a été joué au Royal National Theatre à Londres, puis dans une dizaine de pays.

Texte
Gregory Burke

Traduction
Yvan Bienvenue

Mise en scène
Michel Monty

Assistance à la mise en scène
Marie-Hélène Dufort

Avec
David Boutin
Daniel Gadouas
Stéphane F. Jacques
Francis Poulin

Musique originale
François Pednô


Une coproduction du Théâtre de La Manufacture et de Trans-Théâtre

Du 7 octobre au 15 novembre 2003
En reprise du 7 mars au 1er avril 2006 à La Licorne
11 avril 2006 Théâtre Outremont - (514) 495-9944
18 avril au 6 mai Théâtre Périscope - Québec
- (418) 529-2183

 

par David Lefebvre (2004)

Supplémentaires les samedis 1er, 8 et 15 novembre 2004 à 16h

Laissez-moi vous écrire quelques lignes d'une chanson québécoise archi connue, que j'ai fredonné en sortant de la pièce ce soir (8 octobre):

«Si tous les pognés dans leur p'tite misère se disaient
"Calvaire! y'est temps d'arrêter" ça irait p't'être mieux...
La maudite machine, qui t'a avalé, a marche en câline
faudrait la casser, faudrait la casser... »
La Maudite Machine - Octobre

Je crois que ça résume bien une partie de l'histoire de cette excellente pièce qu'est Gagarin Way. Du moins, ce qui en ressort, du côté "travailleur bafoué par les grandes compagnies". La pièce se passe en Écosse. Deux ouvriers, un ancien militant de gauche, croyant au communisme (jusqu'à porter un vieux manteau russe) et syndicaliste convaincu, et un homme dont l'enfance sans misère est un cauchemar et qui idéalise la violence comme nouvelle drogue et besoin essentiel à sa vie, kidnappent un des patrons en visite pour le tuer et faire ainsi passer le message qu'ils en ont ras-le-bol des salaires de crève-faim et de l'obligation de travailler des 50-60 heures par semaine pour vivre... La propagande par l'action! Sauf que la personne kidnappé s'avère à être quelqu'un qui leur ressemble... ce qui bouleverse les plans. Puis entre le gardien de nuit, jeune freluquet qui avait oublié sa casquette, et qui sera mêlé malgré lui à l'affaire.

Le texte, dure réflexion sur l'échec du socialisme, du communisme et de l'anarchisme, s'avère très rude. Yvan Bienvenue, qui a traduit le texte, a utilisé la richesse de la langue québécoise (lire ici: sacres et jurons) pour amener le texte près d'une réalité que l'on connaît. On pourrait, je crois, rencontrer dans la rue ou même connaître ces personnes. Malgré tout, on arrive à rire franchement de plusieurs situations. De ce fait, la violence du propos et des gestes passent mieux. Mais cette violence, qui ressort de ces mots, ces geste et cette mise en scène, est fascinante : elle nous dégoûte ou nous mystifie totalement. On ne peut pas rester indifférent devant ces scènes. Le texte touche à tellement de choses qu'il serait bon de le voir une deuxième fois : terrorisme, existentialisme (la pièce commence avec l'histoire de Sartre et de Jean Genet), la mondialisation, la politique, la crise d'identité masculine, le travail...

C'est une véritable bombe à retardement qui, immanquablement, explosera d'une manière ou d'une autre. La mise en scène est aussi dure que le texte, ce qui convient parfaitement. Le décor représente une pièce où on entrepose des trucs, comme un petit hangar. On a même respecté l'architecture européenne avec le mur de briques et les fenêtres à petits carreaux. L'éclairage, par des lampes bien placées, donne un ton encore de rudesse et de réalité. La performance des acteurs est irréprochable: David Boutin interprète ce fou furieux violent avec naturel et aisance; Stéphane F. Jacques joue Gary, qui doute de plus en plus en ce qu'il croit vraiment et au sens de cette mission après le moment où il voit le visage de l'homme... Daniel Gadouas, malgré un rôle un peu moins flamboyant que les autres, joue très bien le vieux cadre désillusionné par ce qu'il a vu et qui défend nullement son travail et ce qu'il a fait, ce qui vient compliquer les choses... et finalement Francis Poulin, pour son premier grand rôle sur les planches à Montréal interprète avec justesse ce jeune universitaire, sorti de ses cours de sciences politiques, maintenant (temporairement) gardien de nuit pour l'usine d'électronique, qui a pourtant de l'ambition... Quatre excellents comédiens qui font vivre le texte de Burke.

Avec plusieurs contradictions voulues et intéressantes, comme "ce sont les travailleurs qui font la révolution" et "pour contrecarrer le capitalisme il faut travailler", le texte propose beaucoup de points qui ont touché et marqué le XXe siècle. Malgré un certain pessimisme envers la capacité de l'être humain à changer les choses autrement que par la violence, la pièce démontre clairement que ce genre de situation existe encore dans plusieurs parties du monde, même ici, et que le travailleur qui enrichit les patrons se doit d'être mieux traité. Que la machine est peut-être trop grosse pour qu'on puisse l'arrêter...