À la fin de sa vie, la comédienne Gisèle Schmidt devient, pour toute une équipe de création, une fée, une boussole. La grande dame avait confié à Julie, un soir, dans une coulisse de théâtre : « J’aurais donné toute ma carrière pour vivre une grande histoire d’amour. » Ainsi, tirée de la rêverie amoureuse de Gisèle, une robe de mariée voyage d’un pays à l’autre et se transforme six fois sur une trentaine d’années. Ce n’est pas une biographie de Gisèle. Ce sont de petites nouvelles en forme de théâtre inventées pour elle et pour défier le temps. Histoires d’amour coup de foudre, les six voyages de LA ROBE DE MARIÉE DE GISÈLE SCHMIDT sont autant de rêvasseries sensuelles que d’aventures crues, passionnelles et sans regrets.

Gisèle Schmidt : « Les acteurs sont des passeurs, des passeurs de rêves. »

Julie Vincent est comédienne, metteure en scène, dramaturge et enseignante. On la retrouve au théâtre chez Ducharme, Garneau, Gauvreau, Molière, Shaw, Tremblay. Auteure pleine de fougue, Julie Vincent saura mettre en scène sa pièce avec autant de passion, sous l’oeil attentif de Claude Poissant.

Texte
Mise en scène
Julie Vincent

Avec
Julie Vincent, Éric Cabana, Jacinthe Laguë, Paul Savoie

Assist. mise en scène
Régie
Karine Lapierre

Décor
Geneviève Lizotte

Lumières
François Roupinian

Conception sonore
Michel Smith

Production Théâtre PaP

Du 21 mars au 15 avril 2006
Billetterie : 845-4890

 

par Marzia Pellissier

C’est de la rencontre de deux grandes femmes de scène que naît la pièce “La robe de mariée de Gisèle Schmidt”. D’un côté, Julie Vincent, artiste polyvalente, au parcours ponctué d’interprétation, de mise en scène et de collaborations avec divers orchestres symphoniques. De l’autre, Gisèle Schmidt, tragédienne, reconnue autant sur le continent qu’outre-mer, charmante femme de carrière. Leurs parcours se croisent tout d’abord sur les planches, puis, par hasard, plus intimement, dans l’humble demeure de Gisèle Schmidt, sur les rives de La Malbaie. Il y a environ trois ans, Julie Vincent décide d’écrire une pièce inspirée de leurs conversations, mais loin de vouloir faire une biographie de sa complice, l’auteure tente de laisser transpirer la passion et l’amour de celle-ci, qui lui a un jour confié, dans les coulisses d’un théâtre: “J’aurais donné toute ma carrière pour une grande histoire d’amour”.

Elle décide donc de transposer cette passion dans une pièce de théâtre au ton romanesque, où une robe de mariée voyage d’une relation à l’autre, à travers six tableaux différents, sur une période de trente ans. Malheureusement, cette volonté de rendre la robe protagoniste du spectacle se décèle mal. Dans chaque épisode, on nous illustre diverses facettes des relations entre hommes et femmes; la fameuse robe est toujours mentionnée, tantôt cousue par des travailleurs clandestins, tantôt offerte à un amant, mais la pièce n’en raconte pas pour autant son voyage. De plus, les transitions entre les tableaux, en soi tous intéressants, errent dans une ambiguïté dérangeante: ni secs, ni fluides, les passages accentuent une fragmentation qui n’est pas justifiée.

La pièce commence tout de même de façon exceptionnelle. On assiste à la répétition d’une représentation où l’atmosphère des planches n’épargne personne. Cette mise en abyme poétique nous fait entrer dans le vif du sujet. Le premier tableau, intitulé “Far” ne fait que confirmer la puissance du spectacle. On nous rend voyeurs de la rencontre de deux parfaits inconnus, dans un wagon de métro, dont les corps s’unissent peu à peu, comme attirés par une force magnétique incontrôlable. Les interprètes (Eric Cabana et Jacinthe Laguë), l’un à jardin, l’autre à cour, sans jamais bouger de leur position éloignée, nous rapportent leur rapprochement sexuel avec une intensité et une sensualité sans pareil. Peut-être qu’après avoir atteint un moment si fort, il est difficile de monter plus haut, mais la fin de cette scène marque la dégringolade du reste de la pièce. Les autres tableaux sont bien interprétés (comment pourraient-ils ne pas l’être avec de tels comédiens, car notons, entre autres, Paul Savoie, toujours fidèle à lui-même), mais ne relèvent pas une pertinence et une intensité digne des scènes précédentes.

Le décor de Geneviève Lizotte se démarque par sa poésie et son efficacité. Coté jardin, une scène de théâtre surélevée, vue de profil, laissant à découvert les coulisses dont les murs sont ornés des anciens systèmes de cordage des théâtres. De l’autre côté du rideau de velours vermeille, une petite scène où les planches brûlent de passions éphémères. Côté cour, un niveau plus bas, un fauteuil, celui de Gisèle Schmidt, d’où elle semble tout suivre sans réellement y être, d’un regard intéressé et omniprésent. Au fond, un tulle couleur crème, brodé de motifs de tapisserie, qui servira à la fois d’écran et de mur translucide. À l’avant scène, à chaque extrémité, se trouvent des cadres de porte, offrant à la scène un autre espace de jeu.

La mise en scène, bénéficiant de ces multiples aires de jeu à différents niveaux dans l’espace, est dynamique et variée. Les divers récits nous font voyager d’un pays à l’autre, d’un style à un autre, dans la plus grande harmonie.

Une pièce intense de passion et d’amour, à laquelle on laisse volontiers la chance de s’améliorer au cours des représentations.


Crédit : Yanick MacDonald

28-03-2006