Pas un souffle d'air sur la mer. Depuis des mois, les bateaux des Grecs sont immobilisés par la volonté des dieux. Les guerriers sont impatients de partir à la guerre pour détruire la ville de Troie et venger leur honneur. Agamemnon, leur chef, consulte les oracles pour apprendre avec horreur que la déesse Artémis exige le sacrifice de sa fille, Iphigénie. La robe de noce qu'il préparait pour sa fille adorée doit devenir son linceul. Parce que les dieux ont soif.

Le texte d'Azama, créé en 1991, ne raconte pas uniquement l'histoire d'Iphigénie sacrifiée pour permettre aux hommes de partir à la guerre. Il questionne également l'histoire de l'humanité et de la guerre comme moteur de cette humanité. Iphigénie ou le péché des dieux, une écriture contemporaine sur la tragédie toujours renouvelée du devoir, du pouvoir et du destin.

Avec
Serge Bonin, Frédéric Bouffard, Fabien Cloutier, Valérie Descheneaux, Valérie Laroche, Catherine Larochelle, Myriam LeBlanc, Nicolas Létourneau, Jean-Nicolas Marquis, Olivier Normand-Laplante*

* La metteure en scène a choisi de faire jouer les principaux rôles, Iphigénie, Clytemnestre et Achille par tous les acteurs. Ceux-ci interprètent tour à tour le choeur et l'ensemble des personnages, s'échangeant les rôles au fil du récit, les colorant chacun d'une nuance différente.

La photo ci-haut est de Érick Labbé, Le Soleil
La photo de production (groupe) est de Daniel Tremblay

Décor
Christian Fontaine

Costumes
Isabelle Larivière

Éclairages
Sonoyo Nishikawa

Conception sonore
Yves Dubois

Assistance à la mise en scène
Jean-Philippe Joubert

Une production du Théâtre Niveau Parking

17 mars: 13 h 30
avant-première 18 mars: 10 h 30
avant-première 19 mars: 20 h
première de presse 20 mars: 16 h rencontre*

23 mars: 13 h 30
24 mars: 10 h 30, 19 h
25 mars: 20 h
26 mars: 20 h
27 mars: 16 h

30 mars: 10 h 30, 19 h
31 mars: 13 h 30
1er avril: 20 h
2 avril: 10 h 30, 20 h
3 avril: 16 h

 

par David Lefebvre

De toutes les histoires qui ont été imaginées, je crois que celle des Atrides est la plus incroyablement tragique que l'on connaisse. On a qu'à penser à Clytemnestre, qui fut tuée par son fils Oreste, de la mort de ce dernier, puis les déboires d'Électre... Et avant tout ceci, l'immolation d'Iphigénie. Artémis s'ennuie dans l'Olympe; elle demande donc aux mortels (et aux dieux) un sacrifice : elle veut le sang d'une vierge royale. Iphigénie correspond à ce titre. Agamemnon, le père de la jeune fille, finit par connaître le dessein des dieux, qui ne laisseront pas partir les Grecs (leurs bateaux mouillent tout près du palais, eux qui n'attendent qu'un vent favorable pour aller détruire Troie et récupérer Hélène) tant qu'Iphigénie ne meurt pas. Il la promet donc à Achille pour mieux l'attirer vers l'autel. Un geste que la mère ne pardonnera jamais.

On peut dire que les anciens Grecs avaient le sens du tragique. Assez difficile de faire mieux. Ou pire, c'est selon. Avec le temps, on a fait d'Iphigénie l'éternelle adolescente, la martyr de la folie, l'expiatrice des fautes de ses ancêtres, la victime parfaite. L'auteur Michel Azama a su moderniser et amener un second souffle aux mots des poètes tels Homère ou Racine. En allant chercher le côté très sensuel et sexuel de l'histoire, le rite de l'initiation, l'amour, les relations, les sentiments plus modernes de certains personnages, plusieurs passages s'avèrent donc intéressants et digne d'attention. On nage entre la poésie tragique et la réalité. Les dieux sont décadents, pire que les hommes "parce qu'une vie d'immortels c'est mortel". La mise en scène de Lorraine Côté comporte plusieurs aspects fort intéressants : une belle facture visuelle (rideaux bleu et rouge sang), une colonne d'acier fermée par des rideaux, au plafond bien solide pour permettre de jouer là-dessus aux dieux et créer l'Olympe (qui rappelle le proskenium grec) et les costumes et accessoires éparpillés sur le devant de la scène. Le changement de costumes (qui se fait donc devant nous) est ingénieux et même esthétique. La couleur rouge des tissus définit les mortels, et le bleu, les dieux. Le choeur se déplace et parle avec synchronicité, l'effet y est. Pourtant, quelque chose dérange.

En fait, malgré que la plupart des acteurs étaient excellents, la répartition des rôles l'était moins : comme la pièce avait déjà été montée dans une classe de théâtre, et comme cela se fait souvent, on a fait jouer plusieurs rôles aux comédiens tout au long de la pièce. Il y a donc 3 ou 4 Iphigénie, même chose pour Achille, Clytemnestre... Même si académiquement la technique est excellente, et qu'elle permet de pouvoir voir différentes facettes du même personnages, vu qu'il est interprété par plusieurs acteurs (donc plusieurs approches) elle peut désorienter le spectateur. Ici, certains acteurs et actrices jouent avec brio certains personnages (selon leur casting, il est plus naturel de jouer X que Z) tandis qu'ils ou elles ne réussissent pas à bien interpréter d'autres personnages. Le langage aussi, parfois relâché, dérange. Dans la même scène, le français international fait place à l'accent québécois, puis revient au standard, surtout au moment du débat des dieux sur la vie ou la mort de la jeune fille. Une attention particulière s'imposerait. Certains choix aussi, comme par exemple celui d'avoir insisté sur l'attirance physique qu'a Achille envers son meilleur ami Patrocle (qui ici, dans la pièce, est déjà mort, quand, dans le récit original, ne mourra que sur le champ de bataille, dans plusieurs années). Était-ce vraiment nécessaire?

Il y a quand même de bons moments: la façon dont on a amené l'oracle aveugle, quand Iphigénie parle avec sa soeur Électre, ou quand Achille tente de sauver Iphigénie en voulant fuir avec elle, et finalement la mort de celle-ci. Mais est-ce assez? Il y aura quand même beaucoup de jeunes qui iront voir la pièce : même si les propos sont modernisés, le texte actualisé, seront-ils vraiment touchés par la mort d'Iphigénie? Est-ce que leur intérêt restera braqué sur la scène tout le long de la pièce? Les comédiens devront jouer encore plus solidement et ardemment pour capter et surtout garder l'attention des ados de la première à la dernière seconde. Malgré d'excellentes qualités, la pièce comporte plusieurs défauts qui brisent la beauté de la soirée.

Avant de terminer, je m'en voudrais de passer sous silence le lever de rideau : pour ceux et celles qui assisteront à la représentation de la soirée, vous aurez droit à une pièce en un acte de Maxime-Olivier Moutier, mise en scène par Caroline Binet avec Patrick Brosseau, Caroline Clément, Alexandre Frenette, Ariel Ifergan, Marie-Josée Normand, Christophe Rapin et Nathalie Trépanier. La pièce s'appelle "Tout le monde" et parle de ces généralités, banalités et vérités de la vie, mais mis dans un choeur; l'opinion y est alors partagée, on tente de se conformer aux autres ou on subit son sort. Malgré un début chaotique quand venait le temps de parler tous ensemble (ce qui nous fait rater quelques phrases) le texte est drôle et les déplacements et mouvements des comédiens est inventif et intéressant. Un joyeux petit moment et une sacré bonne idée de faire revivre cette tradition du XIXe siècle...